Le réseau filière blé dur est une organisation de recherche qui s'inscrit dans le plan d'action du gouvernement composé de quatre axes directeurs. La finalité est d'améliorer et sécuriser la production, augmenter les rendements et créer de grandes exploitations, notamment dans le sud du pays. Le prisme de l'insécurité alimentaire qui plane sur bon nombre de pays dits en voie de développement, dont l'Algérie, devient une préoccupation sérieuse quand il est de notoriété publique que la production céréalière ne couvre que partiellement les besoins d'une population sans cesse grandissante. Tous les experts conviennent de l'insuffisance des ressources dans les cinquante années à venir pour nourrir les milliards d'êtres humains. Il est évident que seuls les pays développés tireront leur épingle du jeu, suivis par ceux qui ont anticipé ce genre de sinistre. L'Algérie ne souhaite pas être à la traîne. L'autosuffisance en matière agricole est l'un de ces défis pour ce XXIe siècle et au-delà. Pour ce faire, il faudra produire davantage et assurer des rendements conséquents. L'industrialisation de l'agriculture s'impose en passage obligé. D'où l'instauration de spécialités et de schémas de recherche dans les différents secteurs agricoles, dont la culture du blé, cette céréale qui a coûté la bagatelle de plus de 2 milliards USD, l'année dernière, en facture d'importation. L'Etat lance ainsi le réseau filière blé dur. Pourquoi le blé dur et pas le blé tendre privilégié dans la consommation des Algériens ? Peut-être parce que le blé dur coûte deux fois plus cher sur le marché mondial que le tendre. Selon Mohamed El Hadi Sakhri, directeur de l'Institut technique de la généralisation des cultures (ITGC) du Khroub (Constantine), le choix est vite fait quand l'acquisition de 3 q de blé tendre équivaut à 2 q de blé dur seulement. La stratégie nationale s'est aussi se défaire de l'importation et de ses factures exorbitantes par le biais de la recherche et des technologies intrants dans l'agriculture. A ce propos, une journée d'étude, sur le réseau filière blé dur, a été organisée, le 28 septembre dernier, à l'université des Frères Mentouri de Constantine (UFMC1) en partenariat avec la direction et les services agricoles, ITGC et la coopérative des céréales et légumes secs (CCLS). Dans ce contexte, les responsables de l'UFMC1, Abdelhamid Djekoune, et Nadia Ykhlef, respectivement recteur et vice-recteur, sont revenus, en leur qualité de chercheurs impliqués dans ce réseau, sur les capacités de l'institution qui «développe des activités de recherches autour des aspects suivant : génotypage, physiologie, biochimie, génétique, agronomie, qualités et transformation concernant les céréales, notamment le blé dur, menées par différentes équipes de recherches qui ont acquis des compétences avérées relatives à la problématique de la production du blé dur en conditions de stress». Toujours en ce qui concerne le blé dur, l'UFMC1 s'est en parallèle lancée «dans le domaine de la biotechnologie végétale par la mise en place d'une plate-forme qui traite de la sélection in vitro, de la variation somaclonale, du croisement interspécifique, du sauvetage d'embryons, de l'haplo diploisation, de la mutagène et de l'utilisation des PGPR (PlanGrowth-Promoting Rhizobactéria) comme bio fertilisant». Des appellations méconnues des profanes, mais que les spécialistes assurent de l'impact positif sur la sélection de variétés et leur culture. L'aspect de la relation changement climatique et la production du blé dur est aussi abordé. «L'irrigation reste une préoccupation de recherche qui devait être développée dans le cadre de ce réseau en focalisant les travaux sur la relation phénologie, structure de la plante et apports en eau en fonction des conditions pédoclimatiques », sera-t-il soutenu. LOURDE FACTURE D'IMPORTATION L'université des Frères Mentouri se dit partenaire dans ce plan d'action : «L'engagement de l'UFMC1 avec les différents acteurs de la filière blé dur se veut un responsable complémentaire et efficace pour participer à l'effort national de recherche destinée à améliorer la production du blé dur sur le plan quantitatif et qualitatif. A cet effet, 5 laboratoires de recherche impliquant 50 chercheurs et doctorants seront prêts pour ce rendez-vous.» Cette journée Réseau filière blé dur intervient suite à la réunion tenue, le 28 mai 2016 à l'INRA (Alger), pour le lancement des réseaux de la recherche. Les recommandations qui en découleront serviront de base à la feuille de route qui incarnera cette synergie entre la recherche et le secteur socioéconomique, dont celui de l'agroalimentaire. La consommation du blé dans le monde est estimée à 200 kg/an/habitant, selon M. Sakhri.Et à lui de mettre le doigt sur une réalité fort critiquable : «L'Algérien consomme 526 gr/j de blé, alors que la moyenne mondiale est de 180 g. Nos besoins sont énormes et le gaspillage l'est aussi. Nous jetons 30 millions de baguettes de pain/ jour. La politique de rationalisation des importations est aussi tributaire du changement de comportements alimentaires.» Le blé représente 70% des importations nationales. En 2015, on a importé 6,7 millions de tonnes, une tendance haussière. Selon les experts, il serait possible de renverser cette courbe, car nous disposons de 18 variétés de blé dur et 11 de blé tendre dont six «nées chez nous», ainsi que de compétences pour atteindre cet objectif. Selon le directeur de la Coopérative des céréales et des légumes secs (CCLS), il existe «une véritable dynamique dans la semence de blé grâce à l'intervention des pouvoirs publics en matière de matériels, crédits d'exploitation, respect optimal du tracé technique». L'exemple de Constantine est arboré. Wilaya pionnière, elle a réalisé cette année 1,8 million de céréales en dépit d'une pluviométrie peu abondante. «Les résultats sont prometteurs, mais demeurent insuffisants, relèvera-t-il, puisque le pays importe toujours des millions de tonnes de blé annuellement.» DES AMBITIONS MESUREES La politique agricole ambitionne l'arrêt de l'importation du blé à l'orée 2020. Le gouvernement a tracé un plan d'action composé de 4 lignes directrices, à savoir atteindre un rendement de 80 q/h, sécuriser la production et l'améliorer, ainsi que la création de grandes exploitations dans le Sud. Dans cette stratégie, le céréaliculteur est le premier maillon qui, de surcroît, bénéficie de subventions publiques. L'Etat achète la tonne de blé à 4500 DA au producteur et la revend à 2800 DA aux moulins, a-t-on appris. Et partant, ce réseau se veut un lien direct avec cet acteur incontournable du secteur agricole aux fins de lui procurer assistance technique et scientifique pour améliorer les variétés, augmenter la production et réduire la facture d'importation, selon l'ensemble des intervenants. La collaboration de l'université avec le secteur de l'agriculture intervient donc à point nommé. Elle reste la voie la mieux indiquée pour améliorer et développer les performances de l'Algérie dans cette filière blé dur. Les équipes de recherche de l'université des Frères Mentouri, dans sa mission d'orientation des équipes de recherche, a dégagé cinq aspects, à savoir «ressources énergétiques, qualité, technologie et transformation, maladies et ravageurs, fertilisation biologique, nutrition minérale et PGPR (bactéries bénéfiques à la croissance des plantes) et biotechnologie des céréales (blé dur)», selon l'UFMC1. Chacune des équipes de recherche aura un axe à développer. La palette des thèmes est très fournie, allant de la diversité génétique et identification moléculaire du blé dur algérien, jusqu'à la biologie des sols et le développement durable de l'agriculture. Pour ce qui est des résultats scientifiques, retombées et applications, il est question de «l'identification variétale par les marqueurs génétiques et établissement d'un catalogue des blés en Algérie, contrôle de l'identité de la pureté variétale des lots commerciaux et de la semence, marquage génétique des constituants du grain, contrôle des Organismes génétiquement modifiés (OGM), sélection pour la qualité technologique, entre autres», a-t-il été indiqué.