Une semaine après les importantes intempéries qui ont provoqué des inondations à travers la wilaya de Annaba, on déplore déjà la mort de trois personnes et 700 millions de dinars de dégâts. Après l'accalmie, l'administration locale s'attelle à l'étude du phénomène pour anticiper des solutions à même de parer à des situations analogues, d'autant plus que l'hiver n'en est qu'à ses premières semaines. Dans ce contexte, la direction des ressources en eau de la wilaya de Annaba a abrité, jeudi, une réunion dont l'objectif était de déterminer les causes et les conséquences de cette catastrophe naturelle qui a eu lieu du 24 au 26 janvier dernier. Ont pris part à cette rencontre plusieurs directeurs de l'exécutif concernés par l'événement, le représentant de la commune du chef-lieu et le directeur de la Protection civile. Bien que sa commune ait été classée première en matière de dégâts causés par les eaux pluviales, le maire d'El Hadjar a brillé par son absence, envoyant un message négatif à ses administrés et à sa tutelle. «Nous nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre, décortiquer et analyser cette situation et surtout chercher et trouver, ensemble, des solutions pour parer à des situations similaires à l'avenir. Certes, nul n'est infaillible et parfait. Nous avons fait, néanmoins, tout ce qu'on pouvait faire», s'est justifié d'emblée, Mansour Abdenour, directeur des ressources en eau de la wilaya. Et d'annoncer : «Une cellule de veille et de suivi a été installée au niveau de la direction des ressources en eau de la wilaya. Elle est composée de cadres de notre direction, de la Protection civile, de la direction de l'éducation et de l'Office national de l'assainissement (ONA). Cette commission a été chargée d' assurer la gestion de l'arrivée des moyens et leur répartition sur les lieux, à la demande des chefs de daïra, des présidents communaux, des subdivisionnaires et des citoyens.» Le manque de moyens financiers et matériels est-il à l'origine de ces inondations, ou est-ce un problème de gestion ? A cette interrogation, le premier responsable du secteur de l'hydraulique répond. Selon lui, «pour le curage des oueds et la réparation des canaux d'évacuation, le ministère des Ressources en eau nous a octroyé une enveloppe de 3,60 milliards de dinars. A cette conséquente enveloppe, il faut ajouter l'apport de la wilaya de Annaba, évalué à 100 millions de dinars. Sur le plan de la gestion, le curage des oueds a été entamé avant les inondations et l'entretien du réseau d'évacuation se fait avec un rythme non-stop. Il y a des agents en permanence pour l'entretien qui activent en collaboration avec des entreprises publiques. Nous avons un programme spécial pour le futur, dont les études sont en cours». Lycées fermés et cours de rattrapage Touché de plein fouet, le secteur de l'éducation a déploré 22 établissements scolaires, tous paliers confondus, touchés par les inondations. Présent à cette réunion, Ahmed Layachi, directeur de l'éducation de la wilaya de Annaba, a présenté un bilan peu reluisant. «Nous avons pris toutes nos précautions en scrutant quotidiennement les bulletins météorologiques spéciaux (BMS). Lorsqu'on a annoncé le BMS concernant la wilaya de Annaba, la direction a alerté tous les établissements scolaires à l'effet de soulever les équipements informatiques à un niveau supérieur. Et si le matériel a été protégé, il n'en demeure pas moins qu'on n'a pas pu éviter les inondations, qui ont concerné, entre autres, les établissements Kloufi Mohamed et Bouazdia, dans la commune d'El Hadjar. En collaboration avec l'APC et la daïra d'El Hadjar, la plupart des écoles ont repris les cours normalement. Quant aux futurs élèves candidats au baccalauréat, issus des lycées sinistrés de Kloufi et Bouazdia, ils ont été répartis sur d'autres lycées sur instruction de la direction de l'éducation. Durant cette semaine, les deux lycées sinistrés seront opérationnels. Pour les autres élèves des zones sinistrées, la direction de l'éducation a décidé de leur assurer des cours de rattrapage les samedis et mardis après-midi», a annoncé le directeur de l'éducation. Brève était l'intervention du représentant de la commune de Annaba. Il s'est limité à déclarer que «les services de la commune de Annaba n'ont pu intervenir qu'au niveau de la corniche, notamment dans les cités Refès Zahouane et Rizzi Amor. En revanche, dans les zones sinistrées des cités Seybouse, Falek et Rym, la commune n'a pas pu intervenir à cause du niveau élevé des eaux. Et pour cause, les débris issus des chantiers des promotions immobilières ont été laissés sur place. Avec les pluies, ils ont été charriés vers les oueds et les ont bouchés». 700 millions de DA de dégâts Il sera réconforté par les affirmations du directeur des travaux publics, qui a confirmé que «tous les promoteurs qui ont construit en amont ont jeté les débris de leurs chantiers dans les oueds. La trémie de Sidi Amar a été pleine de débris, soit deux mètres de déblais, jetés dans cet endroit. Les inondations ont causé d'importants dégâts matériels dans les axes routiers nationaux et locaux. Ces dégâts ont été estimés à 700 millions de dinars. Plusieurs axes routiers ont été fermés à la circulation au niveau de la majorité des communes de la wilaya. Un rapport détaillé sur cette situation a été transmis au ministère de tutelle.». Connue pour être toujours au premier rang en période de sinistre, la Protection civile, représentée dans cette réunion par son directeur, le colonel Karim Benzidane, a présenté son bilan. «Il y a eu malheureusement 3 morts durant la période des inondations. Un jeune étudiant palestinien de 20 ans, qui a été mortellement électrocuté près de sa résidence universitaire, de la faculté de Sidi Achour (Annaba). Il a fallu 5 heures pour faire évacuer son cadavre, car l'eau était électrisée. Le deuxième mort est un vieil homme de 70 ans, qui a été retrouvé inerte dans sa maison entourée d'eau. Quant au dernier, c'était un homme de 50 ans qui a été retrouvé flottant sans vie. La Protection civile, avec ses moyens, et en collaboration avec la cellule de crise, a réussi sa mission première de mettre les citoyens sinistrés à l'abri, avant de procéder au pompage des eaux. Selon nous, le problème majeur des inondations est de construire dans la partie basse de la région. Concernée en permanence par les inondations, la zone urbaine dite TCA, bénéficie en continu de pompages». Partie prenante dans la lutte contre les inondations, l'Office national de l'assainissement de la wilaya de Annaba a fait appel aux équipements des wilayas limitrophes, car le sinistre dépasse de loin ses capacités matérielles. C'est du moins ce qu'a déclaré son directeur, Guesmi Ramdane. «Face à l'ampleur de ce sinistre, nous avons mobilisé tous les moyens humains et matériels des wilayas limitrophes. La plus grande partie a été affectée au complexe sidérurgique de Sider El Hadjar et le reste à la daïra d'El Hadjar. Vu que le matériel était encore insuffisant, nous avons fait appel aux directions de Jijel et de Boumerdès pour nous assister sur ce plan. », a-t-il dit. Pas d'eau et un barrage écrêteur Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les habitants ont été privés d'eau potable à cause d'une fuite dans la conduite principale. C'est ce qu'a expliqué le représentant de l'Entreprise publique d'eau de Annaba (EPA): «La conduite principale a été touchée et présente une importante fuite. Ce qui a privé les citoyens d'eau potable durant plusieurs jours. Heureusement que nous l'avons réparée. Actuellement, les réservoirs sont pleins et la distribution d'eau potable a concerné toute la wilaya à partir d'aujourd'hui (jeudi). Par ailleurs, quelques stations de relevage ont été mises hors service, telle que celles de Oued Ennil et de Berrahal. Même celles qui ne l'ont pas été n'étaient pas fonctionnelles, car privées d'électricité». De son côté, Aouati Karima, directrice de l'Agence nationale des projets des barrages, a révélé la prochaine construction d'un barrage dans la zone de Bouhdid, dans la wilaya de Annaba : «Il va être réalisé sur l'oued Bouhdid, à 5 km au sud-ouest de Annaba. Son rôle est la rétention des crues. Sa capacité est de 700 000/m3. Le projet a été cédé de gré à gré à Hydro Technique Groupe. Pour très bientôt ce barrage sera opérationnel.» Avant de conclure cette rencontre, importante à plus d'un titre, le directeur de l'environnement a mis en exergue ses efforts. «Notre direction a travaillé en collaboration avec la commune de Annaba dans la collecte des déchets ayant été produits par les inondations. Dans ce contexte, nous avons un projet dénommé ‘‘Plan climat intégré''. Pour le concrétiser, nous sollicitons un financement de l'Etat, car notre budget est insuffisant», a-t-il affirmé. Au terme de ce rendez vous, la direction des ressources en eau a remis à la presse un rapport explicatif de la situation du phénomène des inondations que la wilaya a subies. Selon ce document, durant les intempéries du 24 au 26 janvier, Annaba a reçu une moyenne de 140 mm et des vents allant jusqu'à 90 km/heure, qui ont provoqué des vagues en mer allant de 4 à 7 mètres par endroits. «Ce qui a provoqué un reflux du niveau des eaux des oueds, tels que oued Seybouse, oued Boudjemaâ, oued Kef Ensour, ainsi que le canal de ceinture. Des inondations sont alors installées sur toute la plaine de Kheraza, rendant l'écoulement des collecteurs difficile vers ces oueds et le retour d'eau vers les cités urbaines. La pente de ces oueds est très faible. Leur débordement a visé même les cités et les axes routiers», estime-t-on dans ce rapport. Un autre phénomène qui a causé des inondations a été également abordé dans ce document ayant trait au refoulement de l'eau pluviale par les stations de relevage, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de stagnation d'eau. Il est de notoriété, par ailleurs, que les quartiers du chef-lieu, en l'occurrence Elysa et la Colonne, sont les points noirs de la ville, sachant qu'au niveau de la cité Rizzi Amor le collecteur principal est plus bas que le niveau de la mer. Théoriquement, ces deux points devront être inondés plus que les autres points de la ville. Rappelons qu'au chef-lieu de la wilaya, il existe 14 stations de relevage qui ont contribué à la protection de la ville de Annaba contre les inondations. Ces stations ont pompé l'eau en H/24 durant toute la période du sinistre.