Je me rappelle les premiers tumultes du printemps de mon enfance à Bouzaréah, du beau faciès qu'offrent les prés jonchés de fleurs d'oranger et d'amandier de Birkhadem, du réveil des fleurs parsemant le paysage enchanteur du cordon du Sahel, de la convulsion joyeuse du chèvrefeuille et du fuchsia qui ornaient les demeures de Bologhine, des douces senteurs qui s'échappaient du jasmin et de l'églantine des villas d'El Biar et de Kouba, du bourgeonnement du géranium et de la balsamine qui garnissaient les maisons du fahs de Bir Mourad Raïs, du florilège bleuté de l'hortensia qui amadouait l'âme en peine… En clair, une formation végétale qui agissait comme une poésie, voire un antidépresseur qui participait à nous mettre le moral au beau fixe, me dit mon amie Yasmine qui me montre, par ailleurs, une photo du début des sixties où les artères de Bab El Oued étaient jalonnées de platanes et de ficus. Mais cela fait partie d'un passé dont la fragrance est à peine appréhendée. Même l'antique médina, La Casbah, se mettait dans ses plus beaux atours : ses pensionnaires se mettaient de la partie en chaulant les parois de leurs douérate dans une ambiance festive. Mais autres temps, autres mœurs ! Même le vendeur de la pierre de chaux a déserté les lieux, laissant place à un vide sidéral. A croire que la saison des amours n'est plus complice de l'ingénue effervescence que propose Dame Nature dans des cités, amochées davantage par la lugubre et envahissante grisaille du béton que conjuguent les favelas qui croissent au fil des jours. Dans la foulée, il n'est pas déplacé de constater que le décor arboricole qui enjolivait nos espaces publics a déserté notre cadre bâti. Des chenapans déciment des arbres de quelque forêt pour y libérer des corridors avant d'installer des logis destinés à des goinfres de mauvais goût. Pâle poésie. Nos édiles, quant à eux, préfèrent l'ambiance des « braderies de fripe » qui leur rapportent le sou que la tenue de floralies. Quant à la structure de wilaya chargée du développement et de l'embellissement des espaces publics, le choix est porté en priorité sur les sites par où défilent les officiels ; le reste des interventions, comme l'élagage, est opéré au gré de l'humeur, juste pour justifier quelque action. On met en terre des plants chétifs pour les abandonner aussitôt. Les exemples sont légion, et l'association écologique Emeraude a beau livrer bataille en s'égosillant pour l'entretien de la belle lignée d'arbres qui, autrefois, parait le boulevard Omar Lounès. Mais on a décidé qu'elle soit abandonnée à son triste sort. Une manière de contribuer à la calvitie de nos cités.