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Arles. 30e rencontres internationales de la photo
La quête infinie des suds
Publié dans El Watan le 17 - 07 - 2008

Au sud de la France, à la frontière de la Provence et de la Camargue, au pays où les chevaux sont sacrés, là même où séjourna longuement Van Gogh, à Arles précisément, se dessine le visage d'une culture métissée, européenne et africaine. La ville d'Arles est le lieu alors durant l'été d'un foisonnement artistique pleinement méditerranéen. Ainsi du 8 juillet au 14 septembre, se tiennent les Rencontres de la Photographie, qui, en 30 ans d'existence, ont fait de la petite ville une des capitales mondiales de cet art contemporain.
Plus d'une trentaine d'expositions investissent la ville pour réinventer le regard que l'ont peut porter sur notre planète, le couturier Christian Lacroix étant l'invité d'honneur ce qui contribue à donner à ces rencontres une tonalité festive. Mais cet été marque aussi la célébration des 30 ans d'existence des éditions Actes Sud, dont le siège se trouve à Arles. Dès sa fondation en 1978 par l'écrivain d'origine belge Hubert Nyssen - qui séjourna longuement en Algérie à la fin des années soixante et qui en tira un ouvrage « L'Algérie telle que je l'ai connue en 1970 » (Ed. Artaud) -, cette maison d'édition a patiemment construit un riche catalogue ouvert sur les littératures du monde : du romancier américain Paul Auster à la poétesse russe Nina Berberova dont ils publient l'œuvre complète. Et depuis le rachat des Editions Sindbad, Actes Sud publie l'essentiel de la littérature arabe contemporaine, entre autres : Les libanais Hoda Barkat et Rachid Ed-Daïf, les Egyptiens Alaa Aswany et Sonallah Ibrahim ou encore l'algérien Waciny Laredj,… Deux événements marquent cet anniversaire : un récital exceptionnel du poète palestinien, Mahmoud Darwich et une exposition de l'artiste Rachid Koraïchi. Investissant la chapelle du Méjan, au cœur de vieille ville, Rachid Koraïchi - accompagné du photographe Ferrante Ferranti - continue d'avancer dans sa quête de l'absolu. Cheminant depuis de longues années aux côtés des poètes et des mystiques de l'Islam, son travail, au carrefour de l'artisanat et de l'installation contemporaine, explore un territoire à la limite duquel la figuration semblait s'être figée. Son exposition intitulée « Les ancêtres liés aux étoiles » rend un hommage raffiné à la mémoire de ses aïeuls : retraçant le cheminement de la famille Koraïchi - arrivée dans le désert algérien au VIIIe siècle - par le biais de 99 étendards monumentaux associés au nom de chacun de ses ancêtres, Rachid Koraïchi établit un lien avec les 99 noms divins.
Ces étendards de soie s'inscrivent dans la riche tradition, aujourd'hui presque perdue, des étendards portant les noms des saints lors des processions des confréries. Ils sont le fruit de trois ans de travail avec des artisans, à Damas sur la route de la soie. Rachid Koraïchi y déploie tout son art du détail, dans des variations subtiles et colorées basées sur la déclinaison d'une série de motifs géométriques. Ce travail sur les étendards exposés dans les alcôves de la chapelle est accompagné par la mise en scène au centre de l'espace de 99 « priants », sculptures d'acier noir et qui jouent de leurs ombres portés au sol pour figurer un entrelacs délicat de signes étranges, « priants » qui résonnent avec 49 « témoins », hampes en bronze fondu calligraphiant les noms des ancêtres. De cette installation se dégage une sensation de vertige liée à la répétition identique et pourtant toujours renouvelée des signes et des couleurs, jeu sur les infinis possibles, recherche patiente et têtue d'une archéologie des origines. Le récital de Mahmoud Darwich s'inscrit, quant à lui dans le prolongement naturel du travail d'Actes Sud qui publie la traduction de ses livres depuis 1994, compagnonnage lié aux traductions d'Elias Sanbar, le délégué de la Palestine à l'Unesco. Mahmoud Darwich est, peut-être, le plus grand poète arabe contemporain. Depuis ses premiers écrits au milieu des années soixante, il a construit une œuvre monumentale qui en a fait la figure symbolique et le porte-parole de la lutte du peuple palestinien. De Beyrouth à Paris, de Moscou à Tunis, il a accompagné et l'affirmation d'une grande poésie palestinienne et le combat politique au sein de l'OLP où il a joué un rôle éminent. Pourtant, de puis son retour en Palestine il y a quelques années, il tente de se défaire de l'image du poète attitré de la cause palestinienne en orientant son travail poétique vers des contrées nouvelles où la description d'un quotidien banal côtoie une réflexion proprement métaphysique sur la mort, où l'érotisme s'associe à une célébration élégiaque de la nature et des éléments. La grande force de Mahmoud Darwich réside dans sa langue d'une infinie richesse et qui semble pourtant étonnamment simple, fluide, évidente. Ses poèmes sont d'une architecture souple, narratifs le plus souvent, épiques, lyriques, avec son art du récit et de la chute. C'est lundi 14 juillet au soir qu'à eu lieu son récital au théâtre antique d'Arles, demi-cercle de pierre sous un ciel bleu pâle et des nuages soufflés par un fort mistral, gradins tournés vers la scène de bois et le soleil couchant. A 19 heures 45 précises Mahmoud Darwich semble émerger de la lumière aveuglante, accompagné du comédien Didier Sandre pour la lecture des textes en français et des deux frères Joubran pour l'accompagnement au oud. A gauche, Darwich : costume clair sur une chemise blanche, fines lunettes, un très beau visage. Au centre le duo Joubran, à droite Didier Sandre : tous, de noir, vêtus, sobres, élégants.
Un lecture habitée
Puis les frères palestiniens entament une introduction lancinante, notes égrenées avec parcimonie. Didier Sandre se lève alors pour entamer une courte lecture « Un autre jour viendra ». Il se rassoit. Applaudissements mesurés. Enfin : Darwich. D'un porte-document sombre, il extrait un tas de feuilles qu'il pose sur un pupitre. Respiration. Sa voix s'élance, affirmée, claire. Précision de sa diction, évidence. Les pièces poétiques se succèdent tantôt en français tantôt en arabe. Didier Sandre n'arrive pas à trouver la juste mesure, exagérément solennel et pas assez simple. Darwich, dont la voix progresse vers encore plus d'évidence avec une sorte d'éloquence élémentaire, qui apprivoise l'espace de l'amphithéâtre à mesure que le soleil disparaît derrière la frondaison des arbres, derrière lui. Il lit d'abord des poèmes métaphysiques plutôt récents. Dans l'un deux, « Je ne connais pas l'inconnu », il suit un enterrement et s'interroge sur cet homme dont il ignore tout et questionne la mort. Ce pourrait être « un ouvrier, un écrivain, un assassin ? », ce pourrait être lui-même. Puis de conclure malicieusement sur cette pirouette « Les causes de la mort sont multiples parmi elles, une erreur dans ce poème ». Applaudissement nourris, gorgée d'eau discrète. Puis le fameux « Description d'une fleur d'amandier » extrait d'un recueil récent « Comme une fleur d'amandier ». En 2003, il confiait chercher « depuis dix ans le mot juste pour décrire la fleur d'amandier au printemps. La beauté de la Palestine dit combien l'occupant reste étranger à la nature. Et peut-être que ce que le poète peut donner de plus fort à la résistance palestinienne, c'est de trouver le mot juste pour dire la fleur d'amandier. » Intermède musical, le soleil a totalement disparu, le vent est léger, il est 20 heures 20. Le duo Joubran distille une mélodie à la mélancolie diffuse qui inonde l'espace. Darwich est assis sur sa chaise, de biais, occupé à consulter ses papiers disposés sur une table basse, de sorte qu'il ressemble à un sage écolier. Puis il reprend. Ça y est : sa voix nous possède pleinement à présent. Et peu importe les mots, tant sa lecture est physique, incarnée, habitée, attentive à la déclivité des sons, appuyant légèrement les dernières syllabes, lecture d'une troublante langueur. Engourdissement. Un rêve. Voici que les poèmes abordent un registre plus politique, la voix monte et résonne dans le ciel sombre. Ce sont des poèmes récents, de son tout dernier recueil, inédit en français. Mais il ne s'agit plus du même engagement. A présent, c'est de liberté individuelle dont il s'agit, autant dire d'autocritique où les valeurs s'inversent : « Je n'aime pas ce que je défends je n'ai pas d'adversité contre ceux que je combats ». Puis, un poème fort, violent, radical, une litanie envoutante qui bat sa mesure dans l'air : « Nous serons un peuple lorsque le poète pourra décrire érotiquement le ventre de la danseuse ; Nous serons un peuple lorsque nous pourrons critiquer les puissants ; Nous serons un peuple lorsque la loi protègera la prostituée debout dans la rue ; Nous serons un peuple lorsque nous reconnaitrons nos erreurs ». Il fait sombre jusque dans nos âmes. L'émotion nous submerge parfaitement. Longtemps Mahmoud Darwich a semblé porter seul - trop seul - toute la parole poétique palestinienne (arabe ?). Il s'en affranchit aujourd'hui totalement, poète solaire au cœur de la nuit. Darwich, très subtilement, fait se succéder alors un poème amoureux « Attend-la » avec une pièce engagée, « Jérusalem, dans les remparts » : « Et après ? Et après ? Une soldate m'a alors dit : encore toi ? Ne t'ai-je pas tué ? Tu m'a tué, mais comme toi j'ai oublié de mourir ». Plus tard, la mort encore : « Car la mort, comme moi n'aime pas attendre ». Mais tout de même. A 21 heures 25 après 100 minutes de lecture, après un riff rageur du Duo Joubran, après une longue ovation en forme de rappel, Darwich revient avec un dernier poème : « Nous aimons la vie autant que peut se faire ». Espoir ? En trompe l'œil alors, pied de nez à la cause (entendue). Plus tard, ailleurs, la fête s'est poursuivie le mardi 15 juillet par un concert donné en soirée par Houria Aïchi dans le cadre du festival de musique « Les Suds à Arles ». Un étonnant et enchanteur concert (au cœur d'un musée) dédié aux « Cavaliers des Aurès » et sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine.


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