Je me rappelle les premiers tumultes du printemps de mon enfance à Birkhadem, des effluves des prés jonchés de fleurs d'oranger et d'amandier de Bouzaréah, du réveil des fleurs multicolores parsemant le pâturage du cordon du Sahel, de la convulsion joyeuse du chèvrefeuille et du fuchsia qui enjolivaient les demeures de Bologhine, de la fragrance du muflier (gueule-de-loup) mêlée aux senteurs fugaces du basilic qui s'échappaient des villas d'El Biar et de Kouba, du bourgeonnement du géranium, de l'œillet et de la balsamine qui enchantaient les demeures de Bir Mourad Raïs, de l'euphorie du sarment du jasmin, de l'églantine et de l'hortensia embellissant les demeures du fahs fleuri… En clair, une formation végétale euphorique qui agissait comme un antidépresseur, participant à nous désattrister. Mais cela fait partie d'un décor qui n'a plus pignon sur rue. A croire que la saison des amours n'est plus complice de l'ingénue effervescence qu'offre Dame Nature en cette période printanière. Dans la foulée, il n'est pas déplacé de constater que le faciès arboricole de nos espaces publics a déserté notre cadre bâti. Des chenapans déciment des arbres presque centenaires pour en faire des piédroits ou du bois de caisse... Pâle poésie. Nos édiles, quant à eux, préfèrent apporter leur soutien à l'ambiance des « braderies de fripe » qui leur rapportent le sou plutôt que la tenue de floralies qui amadouent l'espace public. Quant à la structure de wilaya chargée du développement et de l'embellissement des espaces publics, le choix est porté en priorité sur les sites par où défilent les officiels, le reste des interventions est opéré au gré de l'humeur, juste pour justifier quelque action. On met en terre des plants chétifs pour les abandonner aussitôt. Un sevrage somme toute assassin. Les exemples sont légion, et les quelques associations écologiques, à l'image de Emeraude, ont beau s'égosiller pour l'entretien des belles lignées d'arbres qui, jadis, ornaient joliment des artères, comme le boulevard Omar Lounes. Mais on a décidé qu'elles soient abandonnées à leur triste sort. Une manière de contribuer à la calvitie de nos cités de plus en plus lugubres.