Des journalistes de la Entreprise publique de télévision (EPTV) ont observé, en début d'après-midi d'hier, un sit-in devant le siège de leur direction, située au boulevard des Martyrs (Alger), pour exiger le libre exercice de leur mission de service public. Des travailleurs des différentes chaînes de l'EPTV, auxquels se sont joints leurs confrères de la Radio nationale, s'étaient d'abord rassemblés à l'intérieur de leur établissement avant de camper devant le portail. Les quelque 200 protestataires dénonçaient le «black-out» maintenu par leur rédaction sur la contestation populaire. «Nous sommes tous concernés, nous sommes des professionnels», lançaient-ils. Des slogans ont été inscrits sur les affiches brandies par les journalistes : «Oui pour une télévision libre et ouverte à tous», «Nous voulons couvrir le mouvement populaire avec neutralité», «Nous sommes des journalistes et non des chiyatine» (courtisans), «Non à la pression sur les travailleurs de la télévision», «Presse libre et démocratique»… «Notre voulons exercer notre mission de service public comme il se doit. Qu'on nous laisse faire librement notre travail sans contrainte mais dans le respect bien sûr des lois de la République», tranche Abdelmadjid Benkaci, journaliste à Canal Algérie et membre du collectif de journalistes qui mène la fronde à l'intérieur de l'ENTV depuis le début de la contestation populaire. Ayant déjà organisé des rassemblements pour les mêmes revendications, les contestataires dénoncent la «déformation des revendications populaires» par la Télévision publique. «Nous voulons donner le vrai visage de ce qui se passe actuellement. Nous ne voulons pas déformer les revendications de la population. La censure dure», s'alarme Benkaci, estimant que la concurrence imposée par les chaînes privées fait perdre des auditeurs à la Télévision publique. Suite au premier sit-in tenu le 27 février, une lettre adressée au directeur général de l'EPTV, Tewfik Khelladi, par des réalisateurs, des producteurs, des techniciens et tous les professionnels de la télévision. Les signataires ont «considéré que la télévision publique n'a pas assuré le service public qui devait être le sien». L'ouverture ne relève pas de Khelladi Les signataires (361 jusqu'à hier) ont estimé que les auditeurs n'ont pas eu droit à une information juste, complète et impartiale à cause de la chape de plomb exercée sur les rédactions de l'information. Des représentants du collectif des travailleurs ont été reçus, dimanche, par le directeur général de l'EPTV. «Nous avons été reçu le 14 mars et hier par le directeur général. Nous lui avons soumis notre plateforme de revendications. Il nous a dit qu'il faut nous donner le temps et aller crescendo dans l'ouverture. Nous lui avons répondu qu'on n'a pas le temps d'attendre encore. Il nous a ajouté que l'ouverture va se faire tout doucement», rapporte Benkaci. Rencontrant les journalistes hier lors du briefing de 11h, Khelladi a rappelé ses directives pour une ouverture a minima. Ouverture jugée «en deçà des attentes» par les journalistes, qui comptent maintenir la pression. Reconnaissant au directeur des mérites d'un long parcours dans les médias, Benkaci estime que la décision d'ouvrir l'antenne à la parole libre «ne lui revient pas». D'aucuns ont néanmoins constaté ces dernières jours une «petite ouverture» dans l'édifice monolithique. Dernière preuve : Algérie 3 (A3) a donné, dimanche, la parole aux citoyens qui ont pris part à la dernière marche. Dans la même émission politique «Hiwar Saâ», animée par Djilali Ammari, Ahmed Djeddai, conseiller auprès de l'instance présidentielle du FFS, a fait une intervention très remarquée. Les déclarations au vitriol de l'ancien premier secrétaire national du plus vieux parti de l'opposition, tranchant avec les discours ronronnant souvent de mise sur l'antenne publique, ont fait bonne impression…