La contestation sociale va crescendo au Maroc. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes contractuels de l'enseignement ont manifesté, dans la nuit de samedi à dimanche, à Rabat, pour protester contre leur statut et contre la privatisation de l'enseignement public. L'enseignement public marocain fait l'objet de critiques récurrentes : faible rémunération des enseignants, bas niveau des élèves et fort abandon scolaire, classes surchargées, écoles fermées dans les grandes villes pour laisser place à des projets immobiliers et privatisation continue du secteur. Les protestataires voulaient camper devant le Parlement dans le centre de la capitale, mais ont été vite dispersés par les forces de l'ordre dans la soirée. Dans la soirée, ils avaient été plusieurs milliers à manifester dans le centre-ville pour demander des contrats permanents au sein de l'éducation nationale. Les manifestants, hommes et femmes de 20 à 30 ans, parfois en blouses blanches, avaient défilé tout l'après-midi dans les rues de la capitale marocaine avec des slogans comme «Le peuple veut l'abolition de la contractualisation» ou «Liberté, dignité, justice sociale». La nuit tombant, les manifestants ont installé un grand campement improvisé devant le Parlement, à Rabat. Les forces de l'ordre les ont dispersés avec matraques et canons à eau, après plus de deux heures de négociation pendant lesquelles ils ont refusé de lever le camp. Les jeunes contractuels avaient prévu de participer, hier à Rabat, à une nouvelle manifestation organisée par plusieurs partis et syndicats contre la loi-cadre sur l'enseignement et contre la privatisation de l'enseignement public. Les 55 000 enseignants contractuels du pays manifestent régulièrement depuis des mois pour réclamer le statut de fonctionnaires au sein de l'Education nationale et protester contre la politique de «recrutement par contrat» (CDD) en vigueur depuis 2016. Les contractuels ont entamé une grève depuis le 3 mars et avaient déjà, il y a 15 jours, campé devant les académies régionales dans différentes villes. La date du 23 mars a été choisie en référence à la grande manifestation étudiante du 23 mars 1965, qui s'était terminée par un bain de sang à Casablanca et avait débouché sur l'état d'exception pendant les «années de plomb». Le 20 février dernier, une des manifestations des contractuels coïncidant avec la date anniversaire du mouvement pro-démocratie du 20-Février, né en 2011 durant le «Printemps arabe», avait été dispersée à Rabat par la police faisant plusieurs blessés. Au vu de la misère et de l'injustice qui règnent au Maroc, il n'est pas impossible que le régime marocain soit confronté à nouveau dans les prochaines semaines à un large mouvement de contestation. R. I.