La polémique soulevée par la mise en circulation, dans les prochains jours, du passeport et de la carte nationale d'identité biométriques électroniques pose, une nouvelle fois, la question du respect de la vie privée des Algériens. A l'instar des débats initiés en France, à la fin des années quatre-vingt-dix, après notamment l'éclatement du scandale des écoutes téléphoniques de l'Elysée et aux Etats-Unis après la promulgation, il y a quelques années, par l'Administration Bush d'une loi antiterroriste (patriot act I et patriot act II) autorisant les services de renseignements US à contrôler sans limites les emails, les lettres et les communications des Américains, les Algériens sont en droit de s'assurer, par des voies légales, que la masse d'informations personnelles que l'administration exige d'eux pour se faire établir un passeport ou une simple carte nationale d'identité ne seront pas, un jour, utilisées contre eux et, surtout, si on a vraiment le droit de leur demander autant de données. Les voix, nombreuses, qui se sont élevées pour dénoncer la nature foncièrement « inquisitrice » et le nouveau formulaire « kilométrique » de demande de passeport expriment, en réalité, la crainte, éprouvée par des millions d'Algériens, de voir leur vie privée mise entre parenthèses. Cela ainsi que le sont les libertés démocratiques en général. Assurément, tout le monde peut comprendre que le gouvernement soit parfois amené à mettre en place des mesures particulières pour assurer la sécurité de la société et combattre un terrorisme qui devient de plus en plus pernicieux. Toutefois, l'idée ne peut être acceptée qu'à la condition que l'on ait au préalable pensé à protéger la société contre d'éventuelles dérives comme cela a déjà pu se produire dans les démocraties les plus avancées. La remarque ne vaut pas uniquement pour les nouveaux passeports. Elle concerne également les opérations de surveillance de l'internet et les écoutes téléphoniques et le contrôle des correspondances. Les Algériens sont en droit de douter des intentions des autorités tant que le gouvernement n'aura pas songé à mettre en place une institution crédible capable de juger de la légalité d'une opération de surveillance. Quelle que soit la nature de celle-ci. Il incombe également au législateur de fournir aux Algériens les instruments juridiques adéquats pour pouvoir défendre leurs droits et leur vie privée dans le cas où ils seraient violés. Sans l'existence de tels garde-fous, la notion de vie privée restera un concept creux juste bon à orner les discours officiels sur l'Etat de droit. Et précisément en matière de droit, c'est encore le vide sidéral en Algérie. Ouvrir le débat sur la protection de la vie privée revient en réalité à reposer, une fois de plus, la question plus générale de la démocratie en Algérie. Aussi, tant que le gouvernement continuera, par exemple, à refuser à un petit comité de quartier de créer une association de protection des consommateurs ou défense des espaces verts de la forêt du coin, il n'est pas possible de voir les décisions venant d'en haut autrement que comme des initiatives destinées uniquement à mieux tenir en respect la société.