La cause berbère a ses défenseurs partout en Algérie, et ce n'est pas Salim Yezza qui dira le contraire. Originaire de Tkout, dans la wilaya de Batna, Salim est connu pour son look à la Che Guevara, mais aussi pour son militantisme pour la cause berbère dans les Aurès Fasciné par le tifinagh qu'enseignait son cousin dans une école à Béjaïa, Salim apprend la langue alors qu'il est encore au primaire. Conscient que « la berbérité n'est pas qu'une langue » comme insistait sa mère, le jeune Salim s'intéresse de plus en plus à « l'identité de ses ancêtres ». « J'adhérais à tous les mouvements de militantisme pour la cause berbère, même si cela se faisait discrètement avant les années 1990 », affirme-t-il. A la section de l'Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA) de Tkout, le militant chaoui, via les sketches, les chorales et les activités culturelles qu'il présentait avec ses acolytes, véhiculait la culture berbère dans sa région. « Même si l'UNJA est une filiale du Front de libération nationale (FLN), nous avons élaboré un programme portant sur l'inculcation du socle de l'identité berbère aux enfants de Tkout. » En 1989, Salim rejoint l'Association culturelle amazigh de Tkout, où il côtoie des militants de sa région pour poursuivre le combat et partager la même passion pour la chanson chaouie engagée, à l'exemple de celle du groupe Zalato des Aurès. C'est en 2001 que la vie de Salim prend le chemin de la révolte et de l'insoumission, alors qu'il n'a que 27 ans. A des kilomètres de sa région, la Kabylie est agitée par les événements du printemps noir, les Chaouis, de leur côté, s'organisent en mouvement de soutien pour cette région. « Nous ne pouvions rester les bras croisés alors que nos frères kabyles se faisaient injustement abattre », raconte-t-il. Les jeunes de Tkout sortent de chez eux pour crier sur tous les toits leur indignation quant à la « violence perpétrée » par les gendarmes en Kabylie. Mais la désorganisation de la rébellion de la jeunesse de Tkout pousse le Mouvement culturel amazigh des Aurès, dont Salim est membre, à s'organiser et à structurer la résistance des Chaouis. Une marche est suivie le 7 juin 2001 dans toute la région des Aurès par des jeunes criant des slogans tels que « Halte à la répression en Kabylie ». « On assistait aux conclaves des Aârouch tous les 21 jours en Kabylie afin de les soutenir et de montrer au pouvoir que la cause berbère est une cause algérienne et pas uniquement kabyle », indique Salim. S'il y a quelque chose que regrette amèrement Salim, c'est bien « la non-continuité du combat du MCAA à cause des guéguerres de leadership et des tendances politiques entre les membres du mouvement ». En juillet 2001, lorsque la commune d'Arris (Batna) refuse d'inscrire un nouveau-né sous le prénom berbère de Ghilès, les militants de Tkout rejoignent leurs compères à Arris pour protester. Salim organise une marche le 21 juillet de la même année afin « de régler le problème une bonne fois pour toutes ». Les protestataires ferment les institutions publiques de Tkout pendant deux jours. Résultat : Salim et trois autres militants se font arrêter et doivent faire face à de longues poursuites judiciaires. Le verdict tombe : deux mois de prison avec sursis. « Je suis prêt à donner ma vie pour la cause berbère, alors je ne crains pas la prison », lâche Salim. A la veille de la visite du président Abdelaziz Bouteflika dans les Aurès en 2003, Salim distribue un communiqué et des tracts présentant une caricature du président de la République. Le rebelle fait parler de lui également en 2004, lorsqu'un jeune homme de 19 ans se fait assassiner par des membres des Groupes de légitime défense (GLD) dans le village de Taghit, dans les Aurès. Il organise un sit-in avec des centaines de Chaouis et se fait de nouveau arrêter pour avoir dénoncé la version des autorités invoquant une « affaire tribale ». Aujourd'hui, Salim est sans emploi et continue son combat pour la démocratie et la laïcité. « L'Algérie ne sera pas un Etat démocratique tant qu'on n'aura pas séparé la religion de la politique. »