Il suffit de citer le dossier yéménite et les dizaines de milliers de morts dans ce conflit interarabe pour comprendre la nature des enjeux du Sommet arabe de Tunis. Derrière les dossiers libyen et syrien, il y a également des rivalités arabes. Le différend opposant l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis au Qatar est un autre point gris qui pèsera sur le Sommet sans être à l'ordre du jour. Le président Béji Caïd Essebsi aura du pain sur la planche, surtout si les Saoudiens tentent de condamner les «ingérences» iraniennes dans la résolution finale. Le président tunisien s'est voulu rassembleur et a tenu à ce qu'une majorité de leaders arabes soient à Tunis pour ce 30e Sommet. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, s'est rendu en Egypte, aux Emirats arabes unis, en Arabie Saoudite, à Bahreïn et au Koweït pour appuyer les invitations officielles. Toutefois, après des accords officiels, le roi Salman est le seul poids lourd qui est déjà en Tunisie pour une visite officielle. Le président égyptien, Al Sissi, s'est désisté à la dernière minute, tout comme le prince héritier émirati, Mohamed Ben Rached. Ces deux derniers étaient ensemble au Caire il y a deux jours. Le roi Mohammed VI ne fera pas, non plus, le déplacement de Tunis. L'Algérie sera représentée par le président du Sénat et la Libye par le président du gouvernement d'union nationale, Fayez Al Sarraj. La Libye a déjà fait l'objet d'une réunion quadripartite, tenue par la Ligue arabe, l'ONU, l'Union africaine et l'Union européenne, en présence du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, assisté par son envoyé spécial en Libye, Ghassan Salamé, d'Alpha Condé, président de l'UA, Federica Mogherini, haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et Nabil Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe. Les quatre responsables ont exploité leur présence à Tunis pour le Sommet arabe pour assister à cette réunion sur la Libye et débattre des moyens de concrétiser la feuille de route de la transition en Libye et, notamment, le congrès de Ghadamès le mois prochain et la tenue des élections le plus tôt possible. Enjeux Le Sommet de Tunis sera confronté à un principal défi, celui de replacer la Palestine au-devant de la scène après avoir été délogée par le Printemps arabe et ses rebondissements multiples, dont les dissensions entre les différents membres. Un autre enjeu sera l'éventualité que la Tunisie puisse jouer un rôle de médiateur efficient entre le Qatar et ses grands frères «ennemis» du Golfe. Le président Béji Caïd Essebsi est resté neutre dans ce conflit, malgré ce que pourrait laisser entendre l'accueil très chaleureux réservé au roi Salmane, lors de sa visite officielle en Tunisie, durant les deux jours précédant le Sommet. Autre problème annexe, celui de la position à prendre par la Tunisie si les pays arabes hostiles à l'Iran, notamment l'Arabie Saoudite, pèsent de tout leur poids pour introduire, dans les recommandations finales du Sommet de Tunis, un paragraphe condamnant ce qu'ils considèrent comme un «interventionnisme» perse dans leurs affaires internes. Concernant la réintégration de la Syrie dans la structure panarabe sept ans après son exclusion, le dossier n'est pas encore au point. Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssem Zaki, a annoncé aux médias qu'il n'y avait pas consensus sur cette question. Les coulisses disent pourtant que plusieurs pays arabes ont exprimé le vœu de voir réintégrer la Syrie à la Ligue. Mais, l'Arabie Saoudite, poids lourd régional opposé à Damas, semble encore réticente à une normalisation avec ce pays. Toutefois, toujours selon Houssam Zaki, la Ligue arabe appuie la souveraineté de la Syrie sur le Golan occupé par Israël. «L'organisation panarabe ne fait pas d'amalgame entre ce dossier et celui de la crise syrienne», assure le secrétaire général adjoint de la Ligue. La guerre au Yémen et la crise humanitaire qui y sévit constituent un autre terrain de conflit entre l'Arabie Saoudite et les pays arabes. Le dossier yéménite fera partie de l'ordre du jour du Sommet. Ce pays arabe est plongé dans la famine et le choléra. Ce Sommet intervient alors que la coalition arabe, menée par l'Arabie Saoudite, est régulièrement pointée du doigt par les ONG dans des frappes aériennes sur des hôpitaux et des écoles. Les enjeux ne manquent pas et les Arabes sont loin d'être unis.