L e 30e Sommet arabe de Tunis n'a pas dérogé à la règle d'être une rencontre entre frères vivant nombre de différends, pour ne pas dire ennemis. Le soutien classique à la Palestine et à la Libye mais, point d'entente sur la Syrie. Trop tôt semble-t-il pour ce dossier, qui a été à l'origine de fortes dissensions arabes. Dans la déclaration de Tunis, les dirigeants arabes ont réitéré leur souci de dépasser leurs désaccords et de reprendre l'initiative dans la région, vu que ce qui réunit les Arabes est de loin supérieur à leurs divergences, d'où leur adoption de la proposition du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, de placer le 30e Sommet sous le signe de «volonté et solidarité». En termes pratiques, le Sommet arabe a rappelé le soutien des Arabes à la cause palestinienne et au droit du peuple palestinien à un Etat indépendant, à travers l'application des résolutions internationales, notamment la résolution 194 de l'ONU. La déclaration de Tunis a également demandé à la communauté internationale et au Conseil de sécurité de protéger le peuple palestinien et les lieux saints, musulmans et chrétiens. Les dirigeants arabes n'ont pas manqué de condamner «la loi sur l'Etat nationaliste juif», la considérant comme concrétisation de pratiques ségrégationnistes. Après la Palestine, est venue directement la Libye et le 30e Sommet arabe a rejeté toute solution militaire et appelé à une solution de réconciliation qui évite toute exclusion. Les Arabes ont exprimé leur soutien à la proposition adoptée par le Conseil de sécurité de l'envoyé de l'ONU, Ghassan Salamé. Le Sommet s'est déclaré, par ailleurs, favorable aux efforts de lutte contre les organisations terroristes et le danger qu'elles représentent pour la Libye et toute la région. Unité de façade La Syrie est venue en 3e lieu et le Sommet a, là encore, appelé à une solution politique pour mettre fin à la souffrance du peuple syrien et la crise en Syrie. Les dirigeants arabes ont insisté sur l'importance du rôle arabe pour «aider le peuple syrien à sortir de la crise actuelle, permettant ainsi à la Syrie, composante de base du monde arabe, de reprendre sa place naturelle dans ce monde». Le Sommet considère la politique israélienne de fait accompli, concernant le Golan occupé comme une atteinte dangereuse aux résolutions internationales et une menace à la sécurité régionale. La grave crise humanitaire du Yémen n'a mérité qu'un petit 6e paragraphe appelant à la poursuite des négociations pour une solution politique. Mythe et réalité Il est clair que, comme d'habitude, la diplomatie a beaucoup joué dans la recherche de formules acceptables dans pareilles résolutions, afin de ne fâcher personne dans ce spectre arabe très fragmenté. «Le Sommet est juste parvenu à sauver les apparences, faute de véritables solutions de fond», a regretté le journaliste tunisien Bassel Torjemane, qui déplore la poursuite de l'exclusion de la Syrie, «surtout que la solution acceptée par la communauté internationale est déjà là». Mais, «les caprices des dirigeants arabes, notamment les mauvais perdants, pèsent dans la décision arabe concernant la Syrie», ajoute-t-il. Les caprices ne se sont d'ailleurs pas limités aux positions politiques. La présence de certains dirigeants arabes était presque symbolique dans un Sommet qui n'a pourtant duré que l'espace d'une journée. La déclaration finale a été lue vers 17h. Pourtant, le roi d'Arabie et l'émir du Qatar n'ont assisté qu'à une partie de la séance d'ouverture. Le roi Salmane et l'émir Tamime ont quitté Tunis en début d'après-midi, avec un quart d'heure d'intervalle. Ils n'ont assisté qu'à l'allocution du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, et à celle du secrétaire général de la Ligue arabe. Le roi Abdallah Thani de Jordanie les a suivis une heure plus tard, le temps de faire son discours. C'était finalement une présence pour la photo de famille. Le président Béji Caïd Essebsi a réussi à rassembler une bonne majorité et la diplomatie a fait son travail pour chercher les bonnes formules de compromis. Même le président égyptien Abdelfattah Al Sissi, annoncé absent, a été le dernier à rejoindre Tunis pour assister en personne au 30e Sommet arabe. Mais comme ses autres homologues, il a aussi donné l'impression d'avoir la tête ailleurs. La Ligue arabe continue juste à servir de façade à l'une des régions les plus divisées de ce monde.