L'évolution de l'enseignement de la langue amazigh dans les établissements scolaires à travers le territoire national connaît une régression notable depuis son introduction dans le système éducatif en 1995. C'est l'avis des professionnels du secteur et des militants de tamazight qui se battent quotidiennement pour « la survie » de cet enseignement. Bureaucratie, milieu hostile, manque de volonté des pouvoirs publics, absence d'outil scientifique et juridique pour l'accompagnement des efforts des enseignants… pénalisent la promotion de cette langue. « L'Etat n'a pas mobilisé tous les moyens humains et financiers pour la prise en charge de tamazight dans le système éducatif et la communication. Théoriquement, tamazight a réalisé une avancée grâce aux sacrifices des enseignants et des militants. Mais en l'absence d'une instance académique, on ne fait que dans le bricolage. Ainsi, tamazight ne fait que survivre et ne résiste que grâce à ses militants ! », nous a dit un inspecteur de tamazight. En dépit des acquis obtenus dans le domaine de l'enseignement, le manque de suivi dans l'application des circulaires ministérielles fait que la langue commence à perdre du terrain dans de nombreuses régions du pays. Hormis les wilayas du Centre, notamment Tizi Ouzou, Bouira, Béjaïa et à moindre échelle la wilaya de Boumerdès, dans les autres divisions administratives, son apprentissage a reculé sensiblement. D'ailleurs, sur les 16 wilayas, préalablement choisies pour piloter cette nouvelle expérience, 7 connaissent l'extinction de cet enseignement et une diminution inquiétante en encadrement. C'est le cas, notamment, dans les wilayas d'Illizi, Oran, Tipasa, El Bayadh, Oum El Bouaghi, Batna et Ghardaïa récemment. Mhenna Boudinar, président de l'Association desenseignants de tamazigh de la wilaya de Tizi Ouzou, souligne qu'« en matière d'encadrement, l'Etat n'ouvre pas assez de postes budgétaires ». En effet, « Khenchela et Tamanrasset qui comptaient respectivement 5 et 4 encadreurs en 2007, évoluent aujourd'hui avec un seul enseignant dans le premier palier. La wilaya d'Alger est passée de 4 à 1 enseignant et il n'y en pas plus de 11 à Boumerdès, ce qui est très peu et inquiétant ! », relève notre interlocuteur. Il explique l'inaction de l'administration envers la promotion de tamazigh par un simple fait : « Les circulaires ministérielles ne sont pas appliquées au niveau des établissements scolaires. Ainsi, le coefficient est de 2 et les horaires attribués ne sont pas respectés. Les enseignants de tamazight ne sont jamais associés à l'élaboration de l'emploi de temps. Les séances sont repoussées, soit en fin de journée, ou carrément en dehors des horaires de travail », renchérit M. Boudinar. Si les manuels scolaires sont suffisamment disponibles sur le marché, il reste que les enseignants revendiquent leur transcription en caractère latin. « Les manuels scolaires sont transcrits en trois graphies (latin, tifinagh et arabe). Nous n'avons jamais cessé de demander leur transcription en latin pour la simple raison qu'il existe un énorme travail qui a été effectué en latin », conclut un enseignant.