L'enseignement de tamazight est diversement apprécié, quinze ans après son introduction dans le système éducatif. Quel bilan faites-vous ? Pour moi, il est globalement positif, parce que depuis 1995 on est entré dans une phase de normalisation linguistique au niveau des institutions. Le tamazight n'a été introduit dans le cycle universitaire qu'en 1990 alors que dans le secteur de l'éducation, il a fallu des manifestations et une année entière de boycott scolaire pour que le tamazight soit enseigné à partir de l'année scolaire 1995-1996. Le nombre de wilayas où cet enseignement est dispensé tend à se réduire. Quelles en sont les raisons ? Au début, il était prévu dans 16 wilayas berbérophones ; le kabyle, le chenoui, le touareg, le chaoui, le mozabite et le zenatia à Boussemghoun, dans la wilaya d'El Bayadh. L'enseignement du chaoui a été suspendu pendant une certaine période, puis il a repris dans les wilayas de Batna et Khenchela. Mais il faut dire que l'enseignement continue correctement seulement dans les wilayas de Béjaïa, Bouira, Bordj Bou Arréridj, Boumerdès, Sétif et Tizi Ouzou. De la 4e année primaire à la terminale, les élèves suivent des cours, ont des manuels, les enseignants ont des programmes. Il y a plus de 600 enseignants, plus de 12 000 élèves. De ce point de vue, c'est une réussite. Dans les Aurès, on n'a pas encouragé cet enseignement, notamment à Arris et à T'kout et même à travers la wilaya de Khenchela alors que les enseignants formés par le département de tamazight sont suffisants. Il faut noter effectivement qu'il y a une régression, car le tamazight n'est plus enseigné dans la wilaya de Tipasa, ni à Tamanrasset. Le tagragrant, parler de Ouargla, est totalement ignoré. Il n'y a pas une volonté politique. Que faut-il faire alors ? Nous avons fait le constat. Nous avons fait un consulting avec le ministère de l'Education et nous nous attelons à faire appliquer les recommandations du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), des linguistes et du Centre national de normalisation pédagogique et linguistique de tamazight pour arriver à généraliser l'enseignement. Vous avez une préférence pour les caractères latins. Pourquoi ? Beaucoup de spécialistes ont travaillé sur la normativisation, c'est-à-dire créer une norme graphique sur la base des caractères latins. Pourquoi les caractères latins ? Parce qu'il y a une tradition d'écriture de tamazight en caractères latins au moins depuis le XIXe siècle. Il y a eu l'Ecole normale supérieure d'Alger depuis 1885, la chaire de berbère de l'université d'Alger qui délivrait un diplôme de langue kabyle et un brevet de langue berbère. A l'Inalco, il y a un enseignement depuis 1913, il y a eu les cours de Mouloud Mammeri, et il est normal qu'au vu de ces expériences que l'on opte pour les caractères latins. Personnellement, en tant qu'enseignant et auteur, j'utilise les caractères latins. Quel est le point de vue des spécialistes par rapport à l'usage de différentes graphies ? L'adoption de caractères répond à des considérations politico-idéologiques. Au ministère de l'Education, on continue à préconiser l'utilisation des caractères arabes. On peut être d'accord ou pas, l'essentiel est qu'il y ait un enseignement de qualité. Le ministère a conditionné la reprise de l'enseignement de tamazight dans les Aurès à l'utilisation des caractères arabes. L'enseignement a repris et le nombre d'élèves a atteint 6000. On peut écrire le tamazight avec les caractères qu'on veut, l'essentiel, c'est que l'on n'impose pas. Il y a lieu de se poser des questions pourquoi il n'y a pas de préparation de manuels en chaoui, le manuel existant est réalisé en variante kabyle, en graphies latine et arabe et au milieu sont insérés des textes en touareg, transcrits en tifinagh. Voici, la réalité des manuels en tamazight.