Dans une tribune publiée hier par le quotidien français l'Humanité, un collectif de 70 associations et syndicats, entre autres, a dénoncé le verdict en appel du procès des militants du hirak du Rif (nord) début avril. Verdict marqué par la confirmation des peines «révoltante», allant jusqu'à vingt ans de prison ferme. «Alors que les militants jugés ont porté pacifiquement durant des mois des revendications sociales, économiques, culturelles et politiques les plus élémentaires (droit à la dignité, à la santé, à la reconnaissance effective de la langue amazighe, au désenclavement de la région du Rif…), la réponse du makhzen marocain a été, comme à son habitude, la répression aveugle et la militarisation renforcée du Rif», a indiqué le collectif. Ce jugement «démontre pour la énième fois l'absence d'un Etat de droit et d'une justice sociale et démocratique». Pour ces organisations non gouvernementales (ONG), le combat des militants du Rif constitue «le prolongement des luttes menées à travers tout le pays, et ce, depuis le mouvement du 20 février 2011». Comme il s'inscrit «en résonance avec les luttes pacifiques menées dans l'ensemble de l'espace maghrébin, en particulier celle du peuple algérien, pour un Maghreb des peuples pluriel, de la dignité, de la démocratie et de la solidarité». Ainsi, elles appellent «l'ensemble des démocrates, des femmes et des hommes épris de justice à exprimer leur indignation face à ce déni de justice». Aussi, elles expriment leur «totale solidarité avec le combat des prisonniers du hirak et leurs familles pour la dignité, la justice sociale et la démocratie». Les signataires du texte assurent de leur «soutien» toutes «les initiatives pacifiques pour la libération immédiate des prisonniers du hirak du Rif, des prisonniers des autres mouvements sociaux et des prisonniers politiques et d'opinion au Maroc». Quand l'arbitraire lamine le droit Le 5 avril, la justice marocaine a confirmé à Casablanca les peines de prison allant jusqu'à 20 ans pour les meneurs du hirak (mouvance), nom donné localement au mouvement qui a agité, en 2016-2017, la région marocaine du Rif et porté des revendications sociales et économiques. Jugé pour «complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat», Nasser Zefzafi, le leader du mouvement devra purger une peine de 20 ans de prison ferme, comme trois autres militants du noyau dur de la contestation. Les autres peines vont de 1à 15 ans de réclusion. Le journaliste Hamid Al Mahdaoui, qui a souhaité dans son ultime plaidoyer ne pas être puni pour un «crime imaginaire», a vu confirmée sa condamnation à trois ans de prison pour ne pas avoir alerté la police des appels d'un inconnu lui proposant des armes. Nasser Zefzafi s'est imposé comme le visage de la contestation avec ses discours virulents contre l'Etat «corrompu» ou «l'arbitraire» du pouvoir. Il a boycotté son procès en appel, comme 37 autres prévenus en détention, après avoir dénoncé en première instance un procès «politique». L'accusation a requis d'alourdir en appel toutes les peines qui ne correspondent pas au maximum prévu par le code pénal. Les 42 militants du hirak ont été condamnés en première instance à Casablanca en juin dernier, lors d'un procès impliquant au total 53 accusés. Onze des condamnés de Casablanca ont été graciés en août par le roi du Maroc Mohammed VI. La protestation populaire du hirak est déclenchée par la mort, en octobre 2016, d'un vendeur de poisson, Mouhcine Fikri, à Al Hoceïma, broyé dans une benne à ordures en tentant de s'opposer à la saisie de sa marchandise. Avec le temps, le mouvement s'est étendu à des revendications sociales et économiques. La région du Rif, historiquement frondeuse, s'estime marginalisée.