Le Salon du recrutement, dont les portes se sont ouvertes lundi à Alger, a connu hier, à son deuxième jour, une forte affluence. Des centaines de jeunes diplômés en quête d'un emploi se sont présentés, CV sous le bras, dès les premières heures de la journée au complexe de l'Office Riadh El Feth, où a lieu l'événement, avec l'espoir de taper dans l'œil des représentants d'une quarantaine d'entreprises venus dénicher des « oiseaux rares ». En l'espace d'à peine une demi-journée, pratiquement tous les stands des sociétés exposantes (à 90% des entreprises privées) ont été littéralement inondés de curriculum vitæ. De très nombreuses personnes, dans l'attente depuis des années d'un hypothétique emploi, n'ont pas hésité à faire plusieurs centaines de kilomètres pour tenter leur chance. « Il est difficile de vous dire combien de demandes d'emploi nous ont été remises depuis lundi. Ce que je peux vous dire, c'est que nous dépassons allégrement les 2000 dossiers et cela s'est fait en un temps record », confie avec courtoisie, mais visiblement débordée, l'une des responsables du stand de Renault Algérie. Le topo est pour ainsi dire le même sur le stand ouvert par l'opérateur de téléphonie mobile Nedjma ou au niveau de ceux tenus par Schneider Electric, les Nouvelles conserveries algériennes (NCA) ou les laboratoires Biopharm. Partout, c'est le rush des demandeurs d'emploi. Certains opérateurs économiques activant dans le secteur du BTP, connus pour être de grands recruteurs, sont tellement sollicités que les jeunes demandeurs d'emploi ont dû faire la queue rien que pour pouvoir déposer leurs CV. 35% des Algériens sont sans travail Le nombre relativement limité d'offres d'emploi a cependant eu pour effet de refroidir quelque peu l'enthousiasme de ces jeunes chômeurs de luxe. Leurs tentatives de décrocher un poste se sont vues compliquées par le fait qu'ils se retrouvent très souvent en compétition avec des demandeurs d'emplois plus âgés, mieux formés et, surtout, plus expérimentés. D'ailleurs, bien qu'ils trouvent louable l'idée d'organiser chaque année un Salon du recrutement, ces jeunes avouent quand même ne trop se faire d'illusions quant à leurs chances de se faire recruter. « Regardez par vous-mêmes. Nous sommes des centaines, voire des milliers de diplômés à demander du travail alors que les opérateurs présents ici n'offrent que quelques dizaines d'emplois. Entre nous, ce n'est pas une quarantaine d'entreprises qui pourront régler le problème du chômage en Algérie », lance, dépité, Houari, un jeune ingénieur en génie civil venu de Sidi Bel Abbès. Notre interlocuteur avoue, en outre, ne pas trop croire à l'offensive de charme des entreprises sachant, dit-il, que la plupart du temps les postes sont accordés à la fille ou au fils du copain d'en face. « J'en ai fait l'expérience. J'ai obtenu mon diplôme avec mention, mais si tu n'as pas le coup de pouce indispensable pour décrocher un poste, faut pas espérer, mon frère », lance-t-il un sourire en coin. Des jeunes polytechniciens d'Alger abondent dans le même sens et regrettent également que « beaucoup d'entreprises refusent même d'accorder des stages de formation aux étudiants en fin de cycle qui les sollicitent ». Plein d'amertume, Fouad, un informaticien issu aussi d'une grande école et qui a déjà eu une expérience professionnelle dans un grand groupe privé algérien, s'est dit persuadé que « l'événement profite beaucoup plus aux entreprises qui saisissent l'occasion pour soigner leur image de marque et prouver qu'elles recrutent alors qu'au fond, ce n'est pas exactement le cas ». Politisé et maîtrisant visiblement assez bien les arcanes du marché du travail, Fouad quitte les lieux en lançant une sentence très dure : « Ce salon est comparable à une hirondelle. Au-delà de l'espoir qu'il peut susciter, tout le monde sait néanmoins qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. » En d'autres termes, dit-il, il faut bien plus qu'un salon pour absorber l'immense armée de chômeurs que compte le pays. Et d'ajouter : « L'affluence que connaît ce salon contredit en tout cas le gouvernement, qui soutient l'idée que le taux de chômage ne dépasse pas les 11%. » A signaler que, selon de nombreux experts, près de 35% des Algériens en âge de travailler sont au chômage.