Le recteur de la Grande Mosquée de Paris affirme que le projet de loi français visant à interdire le voile intégral ne porte pas atteinte au Coran. Le niqab pourrait bientôt être exclu de tous les lieux publics en France et en Belgique. Les deux pays, précurseurs en Europe, s'apprêtent à voter des lois sur le voile islamique intégral. A Bruxelles, les députés belges devaient adopter, hier, l'interdiction totale de tout vêtement cachant l'ensemble du visage à l'exception des yeux. Mais la session parlementaire a dû être reportée après la démission du gouvernement. En France, un projet de loi sera présenté en mai, visant à une interdiction générale du port du voile intégral dans tout l'espace public et pas seulement dans les services publics. Le président Nicolas Sarkozy a répété, lors du Conseil des ministres, que le voile intégral constituait une « atteinte à la dignité des femmes ». Pour lui, il s'agit de ne pas laisser dériver le phénomène et de légiférer pour l'avenir, le port du voile intégral étant vécu dans l'Hexagone comme le signe d'un repli communautaire et d'un rejet des valeurs françaises. Dans ce débat, le président français vient de s'adjoindre un allié en la personne de Dalil Boubekeur, qui rappelle quelques précisions : « Dans le cas du port du voile intégral masquant entièrement le visage de la femme (burqa, nikab ou bourkô), il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une prescription religieuse au sens strict du terme. La référence coranique concernant le port du voile chez la femme musulmane se rapporte à la Sourate 33, verset 59 (El Ahzab) qui stipule que les femmes doivent rabattre sur elles-mêmes un tissu appelé ‘djilbab' qui se traduit par ‘grand voile', ‘châle' ou ‘ manteau'. » Les critiques abondent D. Boubekeur est certain, cette loi ne vise pas les musulmans en général mais il précise : « La réflexion doit néanmoins porter sur le champ d'application de cette loi à venir, en privilégiant un délai raisonnable de pédagogie. » Jusqu'alors, seul l'Iran, au plus mal avec la France, s'en est pris à cette interdiction. Mais les critiques abondent au fur et a mesure. En Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, où le port du voile intégral n'est pas une coutume, le président du conseil des oulémas, Amidhan, a estimé que la Belgique et la France allaient « restreindre les droits des femmes musulmanes à remplir leurs obligations religieuses ». Au Pakistan, des leaders politiques et religieux ont prédit de nouvelles tensions entre communautés religieuses en Europe. « Ces pays qui se prétendent champions des droits de l'homme parlent de liberté religieuse, mais de telles mesures en font table rase », a dit Farid Ahmed Paracha, porte-parole d'un parti radical musulman pakistanais. Antoine Basbous, expert à l'Observatoire des pays arabes, fait la distinction entre les gouvernements, dont une partie sont attachés à des formes de laïcité, et certains religieux radicaux : « Les gouvernements comprennent bien mais ne peuvent pas forcément applaudir. » Selon M. Basbous, « il y a quelques idéologues, des oulémas qui vont hurler sur les chaînes satellitaires contre le pays prétendument des libertés, qui maltraite les libertés, pour avoir du soutien dans l'opinion publique ». Alors que « la burqa n'est pas dans le Coran », ces religieux vont dire : « On viole notre religion. » Cependant, selon cet expert, une autre réaction des musulmans modérés sera de dire : « Les Français sont chez eux, respectons leur particularisme. » Dans tous les cas, l'interdiction dans les deux pays européens se répercutera en « débat de politique intérieure » dans les pays musulmans, a-t-il prédit. De leur côté, les organisations de défense des droits de l'homme se sont montrées critiques. Pour Amnesty International, cette interdiction n'est « ni nécessaire ni proportionnée » et elle « violerait les droits à la liberté d'expression et de religion des femmes qui choisissent d'exprimer leur identité ou leurs croyances de cette manière ». Pour Judith Sunderland, de Human Rights Watch, ces interdictions de port du voile « violent les droits de celles qui ont choisi de le porter et n'aident en rien celles qui sont obligées de le faire ».