De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Le port du voile intégral, burqa et niqab, vit certainement ses derniers mois en France. Ce dossier, devenu une affaire qui a tant agité la classe politique, a été pris en main par le Conseil des ministres hebdomadaire de mercredi dernier qui a décidé qu'il n'y aura pas de demi-mesure. Un projet de loi sera présenté dans le courant du mois de mai pour stipuler que le voile intégral fera l'objet d'une interdiction totale à travers le territoire français, dans l'espace public comme dans les lieux publics. Il sera soumis au Parlement en juillet pour son adoption avant la fin de sa session extraordinaire, le 20 juillet. Le président Sarkozy, qui a donc tranché entre les deux tendances qui existaient au sein de sa majorité, l'une n'était pas favorable à l'interdiction dans l'espace public, a estimé au cours de ce conseil des ministres que le port du voile ne posait pas un problème d'ordre religieux mais «portait atteinte à la dignité de la femme et n'était pas acceptable par la société française». En plus de ces propos, rapportés par le porte-parole du gouvernement, Luc Châtel, le chef de l'Etat français a clairement affirmé que «l'interdiction du port du voile intégral doit être générale dans tout l'espace public, parce que la dignité de la femme ne se divise pas», ainsi que le respect des valeurs de la République. Il a précisé qu'il faudrait agir de telle manière que «nul ne se sente stigmatisé du fait de sa foi et de ses pratiques religieuses». La loi qui sera adoptée pourrait introduire un délai de six mois avant son application pour expliquer et convaincre les quelque 2 000 femmes qui portent le niqab ou la burqa que le temps de leur accoutrement est révolu. En optant pour que disparaisse le port du voile du paysage du pays, le gouvernement français est passé outre les recommandations du Conseil d'Etat à l'encontre d'une interdiction dans l'espace public qui soulève des problèmes juridiques liés au respect des principes constitutionnels. Doit-on dicter à la femme quelle tenue elle doit porter dans la rue ? N'est-ce pas là une atteinte à un principe fondamental de la liberté ? Ce sont les arguments avancés par le Conseil d'Etat et une partie de la classe politique favorable à l'interdiction mais pas dans l'espace public, en soulignant la fragilité juridique du choix décidé par le gouvernement mercredi dernier. Sarkozy a tranché en faveur de la radicalité comme le souhaitaient la majorité des députés de l'UMP et leur président, Jean-François Copé, qui a fait signer par 220 de ses pairs une proposition de loi allant dans le sens de la décision prise par le Conseil des ministres de mercredi. Vu la réaction de plusieurs personnalités politiques, on constate que la décision gouvernementale ne fait pas consensus. Pour les socialistes, opposés au voile intégral, la loi serait difficile à appliquer. Procédera-t-on à la chasse à la femme voilée dans la rue ? Et le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye (UMP), d'ironiser : «Je ne sais pas comment on va faire avec les Saoudiennes qui viennent acheter sur les Champs-Elysées.» Plus sérieux et plus sévère, l'ancien Premier ministre De Villepin a accusé le gouvernement de «vouloir éternellement appuyer là où ça fait mal, vouloir cliver, prendre le risque de diviser et de stigmatiser un peu plus». Une voix musulmane s'est exprimée pour soutenir le gouvernement. Celle du recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, qui a déclaré que, dans le cas du port du voile intégral, «il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une prescription religieuse». Pour cela, il s'appuie sur la sourate 33-verset 59 du Coran «qui stipule que les femmes doivent rabattre sur elles-mêmes un tissu appelé ‘‘djilbab'' qui se traduit par ‘‘un grand voile'', ‘‘un châle'' ou ‘‘un manteau''». Le recteur se réfère aussi au hadith «authentique» bien connu de Sahih El Boukhari «qui rapporte que Abou Bakr, compagnon et premier calife du Prophète a dit à sa fille Asma ‘‘qu'à partir de la puberté une jeune femme doit par pudeur porter des vêtements larges, mais laissant le visage et les mains à découvert''». Il ajoute que «lors du rite sacré du pèlerinage à La Mecque, les femmes doivent impérativement se découvrir le visage et les mains durant toute la période de la sacralisation (El Ihram)». Partant de ces trois références, Dalil Boubakeur estime que le projet du gouvernement français «ne vise pas une prescription religieuse coranique, ni la communauté musulmane de France». Pour lui, «la réflexion doit néanmoins porter sur le champ d'application de cette loi à venir, en privilégiant un délai raisonnable de pédagogie».