En 2008, dans Neuilly sa mère, Djamel Bensalah, un Franco-Algérien originaire de la Seine-Saint-Denis, fait découvrir au jeune banlieusard Sami Benboudaoud (Samy Seghir) l'enfer de Neuilly-sur-Seine. Dix ans plus tard, en 2018, Bensalah et son complice, Gabriel Julien-Laferrière, ont concocté une suite qui inverse les rôles et les lieux. Dans Neuilly sa mère, sa mère ! c'est le petit Sami qui découvrait le monde des riches en quittant sa cité Picasso de Nanterre… Dans ce deuxième opus, Bensalah nous fait faire le chemin inverse. Cette fois, c'est la famille française de Neuilly – Bruno Podalydès le père, Sophia Aram son épouse et surtout le fils Charles (remarquable Jérémy Denisty) – qui déménage à Nanterre en milieu HLM suite à des revers de fortune. Le premier Neuilly sa mère fut en son temps un succès commercial et critique surprenant, et nul doute que cette suite est programmée également pour la réussite publique, tant les ingrédients de scénario, aussi ingénieux les uns que les autres, entremêlent une intrigue dont la progression comico-dramatique fonctionne parfaitement. Contre-pied du film La Haine de Kassovitz De fait, la démarche cinématographique de Djamel Bensalah, dès ses débuts en 1996, et surtout avec Le ciel, les oiseaux et ta mère, son premier long métrage, consiste à mettre en interface des communautés et des milieux sociaux différents. Son credo est de prendre le contre-pied de films comme La Haine de Kassovitz, ou Ma cité va craquer de Jean-François Richet, pour modifier radicalement l'image des quartiers de banlieues qu'il analyse du point de vue de la comédie sociale qu'il maîtrise avec talent. «Ces films coups-de-poing, majeurs, montraient des banlieues à l'avenir sombre et sans perspectives, je décidais alors d'y opposer une autre vision, plus drôle, plus colorée, loin du bitume et sous le soleil de Biarritz», déclarait Bensalah à propos de Le ciel, les oiseaux et ta mère. Dans Neuilly sa mère, sa mère ! on retrouve bien sûr le jeune Sami Benboudaoud, qui termine brillamment ses études de sciences politiques, tandis que rien ne va plus du côté de son cousin Charles de Chazelles, sarkoziste comme on est tintinophile… Désespéré par la défaite de son idole en 2012 face à François Hollande, il rêve toujours de devenir président de la République, mais un président de droite! A Nanterre, il va tenter, sans succès, de supplanter l'élu de droite pour la campagne des municipales… En fait, l'idéologie l'indiffère et les circonstances rocambolesques de son parcours politique le font atterrir candidat… du Parti socialiste, où sa jeunesse est adoubée par Julien Dray dans son propre rôle. Il côtoie un certain Dupont (incarné par Fatsah Bouyahmed, l'inoubliable héros de La vache) qui roule pour le Front national, perruque blonde sur la tête en reniant ses origines arabes, et qui a rebaptisé sa fille… France ! Charles va créer la surprise et se faire élire maire socialiste haut la main, à force de fausses promesses et de démagogie. Il a pris le pli des politiciens… Une mosaïque étonnante La force du film réside aussi dans une galerie de portraits où foisonnent des personnages divers qui composent une mosaïque étonnante, laquelle va des jeunes du quartier (Booder en Malik, Bayou Sarr en Sekou et Steve Tran en… Tran) jusqu'au personnel politique, en passant par les figures marquantes du quartier (Biyouna, entre autres). Le récit avance avec rythme et rigueur, la mise en scène est à la hauteur du propos et le label comédie fonctionne à merveille. Neuilly sa mère, sa mère ! est une réussite sur tous les plans, qu'il s'agisse du scénario déjà évoqué, qu'il s'agisse des dialogues ou de la direction d'acteurs très pertinente !