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Commémoration du 8 mai 1945 : Kherrata fait jonction entre deux dates
Publié dans El Watan le 11 - 05 - 2019

Pour la première fois de son histoire, Kherrata a commémoré l'anniversaire des massacres du 8 Mai 1945 loin des protocoles officiels. Les autorités ont été éclipsées par la reprise en main de la commémoration par les jeunes de cette commune de l'extrême-est de la wilaya de Béjaïa, qui n'a vu le déplacement cette fois-ci ni d'un ministre ni du wali.
La population a fait jonction entre cette date-symbole et le mouvement populaire. En se mobilisant de la sorte, elle s'est une nouvelle fois distinguée après l'avoir fait brillamment le 16 février dernier en initiant la première marche populaire qui avait donné le la pour le mouvement populaire national actuel.
Le programme de la commémoration a été marqué par l'organisation d'une conférence publique nocturne qui a réuni, pour la première fois depuis le début du mouvement, quatre noms de la scène politique nationale : Karim Tabbou, Mustapha Bouchachi, Nacer Djabi et Samir Belarbi. La salle de cinéma de la ville n'a jamais été aussi pleine.
On s'est déplacé en nombre pour voir et écouter aussi un large panel qui a été annoncé depuis quelques jours avec des noms connus parmi les moudjahidine, les politiques et les intellectuels : Djamila Bouhired, Lakhdar Bourgaa, Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, Salah Debbouz, Smaïl Lalmas et Fodil Boumala.
Du beau monde qui n'a malheureusement pas pu être de cette soirée qui a été dédiée au mouvement du 16 février. L'actualité et la soif générale de se rassurer sur le devenir du mouvement ont éclipsé le sujet des événements du 8 Mai 1945.
Mustapha Bouchachi a rappelé toutefois l'injustice de la loi relative au chahid et au moudjahid, qui refuse à ce jour le statut de martyrs aux 45 000 Algériens tombés ce jour-là sous les balles du colonisateur français.
Cette loi ne s'applique que sur la période courant entre le déclenchement de la Guerre de Libération et le cessez-le-feu, soit du 1er Novembre 1954 au 19 Mars 1962. «On avait refusé ma proposition d'amendement de la loi pour intégrer les martyrs de Kherrata, Sétif et Guelma parmi les chouhada qui ont libéré le pays», a rappelé Bouchachi. Mais, considère-t-il, ces milliers d'Algériens «sont des chouhada pour la conscience collective de cette nation» malgré le déni par l'Algérie officielle.
C'est la révolution des martyrs de la Guerre de Libération que les Algériens d'aujourd'hui veulent continuer en manifestant dans la rue depuis le 16 février, explique le conférencier. «Nous voulons construire une république où la source du pouvoir est le peuple», dit-il. Mais l'obstacle du moment qui empêche cette construction est incarné par le chef d'état-major, suggère Karim Tabbou, pour qui, «l'Algérie a besoin d'un chef d'état-major de 40 ans».
Dans un réquisitoire dressé contre Ahmed Gaïd Salah, qu'il ne cite que par sa fonction, Tabbou estime qu'il est «impossible de qualifier l'Algérie de force régionale avec un chef d'état-major qui n'a pas la compétence de gérer un pays comme l'Algérie».
Il considère que les exigences induites par le contexte de mondialisation imposent d'avoir une armée et des chefs à la hauteur des défis et non «un chef qui transforme une institution en un parti politique, en une institution répressive, et qui manœuvre contre tout un peuple qui réclame la liberté».
La date du 8 Mai est, pour Tabbou, «une occasion pour faire entendre notre voix au chef d'état-major et à tous les symboles du clan, comme est arrivé la voix de Kherrata au colonisateur». «Que la voix de Kherrata arrive à ce nouveau colonisateur», s'écrie Tabbou. Gaïd Salah est rendu coupable de sortir de ses missions légales définies par la loi et de voir «l'Algérie comme une grande caserne». «Nous ne sommes pas des caporaux mais des citoyens.
Nous voulons un Etat de droit où la justice est soumise à la loi et non aux ordres. Le meilleur moyen pour lutter contre la corruption, c'est l'instauration d'une nouvelle République», réclame Karim Tabbou. «Que l'on ne comprenne pas que j'appelle à la rébellion, mais il est certain que de jeunes officiers se libéreront du clan qui se trouve dans cette institution», lance-t-il.
«Est-ce que l'institution et ceux qui la représentent veulent retourner à leurs anciennes pratiques et imposer aux Algériens un Président illégitime et un agenda avec une demie démocratie ?» s'est interrogé l'activiste Samir Belarbi, qui s'est adressé aux magistrats pour leur dire que «vous ne vous êtes pas libérés du pouvoir exécutif pour vous mettre sous les ordres du pouvoir militaire. C'est inacceptable».
Le plan du pouvoir se trace un autre cap, concentré sur les élections, que d'aucuns voient comme un projet aventureux. «S'ils ont un grain de nationalisme, ils ne pourront pas tenir ces élections. Mais supposons qu'ils veuillent se suicider, dans ce cas, elles compliqueront la crise politique du pays et mèneront vers de graves dérapages. Ils auront à assumer une responsabilité historique», soutient Mustapha Bouchachi.
Cet optimisme est partagé par le sociologue Nacer Djabi. La motivation ? Ce sont les jeunes de Boumerdès qui ont rejoint Alger à bord d'une barque pour contourner l'obstacle des gendarmes, qui la lui fournissent.
Convaincu que «l'Egypte n'a pas connu une telle mobilisation» et que «le rapport de force est en notre faveur», Nacer Djabi appelle à la patience et à ne pas permettre un «vide politique qui redonne le pouvoir au militaire».


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