Djezzy for sale ! L'empire Sawiris aura finalement vécu. Maintes fois démentie, la « rumeur » s'avère être une information des plus crédibles. Le géant égyptien des télécommunications, Orascom Telecom, propriété du clan Sawiris, claque avec fracas la porte Algérie, où son business a prospéré sous le regard bienveillant et intéressé du régime Bouteflika. Neuf ans après avoir acquis — dans des circonstances encore troubles — la 2e licence GSM pour plus de 736 millions de dollars (devant Orange de France Télécom, 422 millions de dollars), il s'apprête à « vendre » sa filiale algérienne, Orascom Telecom Algérie (OTA). Repreneur éventuel : la firme sud-africaine MTN. Les négociations avec ce groupe, menées à Alger, au nez et à la barbe du gouvernement algérien, soulignent la volonté de Naguib Sawiris, le PDG d'Orascom, d'opérer un passage en force. Une transaction qu'il voudrait voir se conclure envers et contre le gouvernement. Un gouvernement qui, ces derniers mois, a multiplié les mises en garde en direction de l'opérateur égyptien, faisant valoir son « droit de préemption » sur la totalité du capital de cette entreprise de « droit algérien ». Marqué par l'épisode de la cession d'Orascom Cement en décembre 2007, racheté par le groupe français Lafarge – opération qui s'élève à 8,8 milliards d'euros –, le gouvernement Ouyahia est dans la hantise de voir se rééditer un scénario similaire, préjudiciable à l'intérêt national. La publication hier, par la presse, d'information suggérant une cession imminente par Orascom Telecom de la majorité des actions de ses filiales africaines (en gardant 10 à 15% des parts) pour le compte de MTN a fait sortir le gouvernement de ses gonds. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, déclare sur le ton de la menace : « S'il y a une opération de cession, nous prendrons 51% du capital, nous exercerons notre droit de préemption et nous fiscaliserons de 20% les plus-values réalisées. » Dans son communiqué officiel, le ministère des Postes et des Technologies de l'information et de la communication affiche l'« opposition du gouvernement au projet de transaction entre MTN et Orascom, en ce qui concerne la société OTA » et « s'oppose ainsi à tout transfert total ou partiel de propriété de cette entreprise de Orascom vers MTN ». Toute transaction concernant OTA sera « nulle et non avenue et pourrait aboutir au retrait de la licence de téléphonie concédée à cette entreprise de droit algérien ». Les événements s'emballent et le conflit « commercial » ne tardera pas à déborder sur le terrain politique (et diplomatique). Un juste retour de flammes. Un an après le lancement de son réseau, le 15 février 2001, Djezzy est au cœur du premier scandale de l'ère Bouteflika. Le scandale Al Shorafa, du nom de l'homme d'affaires émirati, Mohamed Ali Al Shorafa, une « vieille » connaissance du président Bouteflika. Al Shorafa aurait été le parrain de Sawiris, son garant auprès de la présidence de la République. C'est notamment grâce à ses services que l'adjudication de la deuxième licence de téléphonie mobile aurait été prononcée en sa faveur. La présidence de la République ne s'expliquera jamais sur ses prétendues collusions avec l'homme d'affaires émirati et son rôle présumé dans l'octroi de la licence GSM. Une licence que d'aucuns considéraient comme « bradée ». Le montant de cette dernière, 736 millions de dollars, était de loin inférieur à l'offre faite par l'opérateur espagnol Telephonica pour décrocher une licence techniquement similaire au Maroc : 1,2 milliard de dollars. « Le traitement de faveur » auquel aurait eu droit OTA ne s'arrêtera pas là. A peine douze mois après son lancement, OTA affichait déjà plus de 450 000 clients dont 300 000 en prépayés et des appétits de plus en plus voraces. Contraint et forcé, l'opérateur historique, Algérie Télécom, fait la courte échelle à son concurrent. AT met à la disponibilité de Djezzy ses installations, son réseau d'interconnexion, il sera même amené à renoncer – pour un temps du moins – à concrétiser son programme de développement. Il en est ainsi du projet de la mise sur le marché de 500 000 nouvelles lignes GSM. Préméditée, la mise en veilleuse de l'opérateur national au profit de la multinationale (le groupe implanté en Egypte, en Tunisie, au Pakistan, au Bengladesh, en Irak et au Zimbabwe, compte désormais 50 millions d'abonnés dans le monde), est réglée comme du papier à musique. Hassan Kebbani s'était même plaint un temps de « l'absence de concurrents » sur le marché, preuve de l'effacement total de l'opérateur historique devant le rouleau compresseur des Sawiris. Dans un entretien à El Watan (édition du 18 février 2004), le PDG d'Orascom Telecom Algérie regrettait qu' « il n'y ait pas vraiment de concurrence (…) Nous étions dans une situation où il était difficile de nous battre contre des fantômes. Nous avons même fait des choses que normalement une société en situation de monopole n'aurait jamais faites : baisser les prix ».