Le parvis de la Grande-Poste, une des places fortes de la contestation dans la capitale, n'est plus accessible aux manifestants. Dans la soirée de mardi, des employés de la Ville d'Alger avaient installé des barrières métalliques tout le long de l'escalier, à la veille d'un 14e vendredi consécutif de contestation antirégime. Hier encore, des dizaines de fourgons cellulaires de la police étaient stationnés autour de cet édifice centenaire, pour empêcher des badauds ou d'éventuels protestataires d'y accéder. Intrigués, des passants ne pouvaient pas s'empêcher de jeter un coup d'œil, derrière le cordon des fourgons de police. Officiellement, la wilaya d'Alger, une expertise du CTC à l'appui, avait prétexté des fissures qui auraient été constatées sur l'escalier du bâtiment historique, nécessitant des travaux de réhabilitation et de restauration. Mais, cet argument passe mal auprès des citoyens qui soupçonnent les pouvoirs publics de vouloir priver les manifestants d'une place de contestation. «C'est scandaleux ! L'argument de la wilaya d'Alger ne tient pas la route. C'est impossible que des escaliers puissent s'effondrer sous le poids d'une centaine de manifestants. En réalité, il s'agit juste d'un prétexte pour déposséder les Algériens d'un de leurs espaces préférés pour manifester», a dénoncé un vendeur de journaux, accosté à quelques encablures de l'édifice. Son ami acquiesce de la tête, et abonde dans le même sens. «Je ne crois pas à cette histoire de fissures. La Casbah tombe en ruine mais personne ne bouge le petit doigt. Mais lorsqu'il s'agit d'interdire aux citoyens l'accès à la Grande-Poste, la wilaya réagit au quart de tour. En tout cas, ériger des barrières autour de la Grande-Poste n'entamera pas la volonté du hirak de continuer à se mobiliser pour réclamer le départ du système en place.» Interrogé, un chauffeur de taxi préfère ironiser au sujet de la décision de la wilaya. «On vient de perdre un endroit symbolique de la mobilisation. Et en même temps, avec les barricades installées, les gens viennent de gagner un espace où ils pourront coller leurs pancartes», a-t-il confié. Depuis le 22 février, date du début de la contestation populaire, les «batailles» entre policiers et manifestants ont été nombreuses pour conquérir ce haut lieu de ralliement de la contestation dans la capitale. La dernière en date remonte à vendredi denier. Ce jour-là, l'esplanade de la Grande-Poste était barricadée durant la matinée par les éléments des forces de sécurité, redéployés en force au centre-ville d'Alger. Des CRS, équipés de fusils lance-grenades, étaient également placés autour de l'édifice. Ils avaient même utilisé les sprays (gaz en aérosol) pour repousser des jeunes qui voulaient forcer le dispositif sécuritaire. Finalement, les manifestants avaient réinvesti en masse la bâtisse, après avoir forcé le cordon sécuritaire en début d'après-midi.