Les femmes aux avants-postes Une nouvelle démonstration de force de la part des Algériens qui ont envahi les rues de tout le pays pour la 13e semaine consécutive, et la deuxième du Ramadhan. Un message fort sur la détermination d'un peuple qui ne lâchera rien, jusqu'à ce que «Yetnahaw gaâ». Fabuleux! Pour les plus superstitieux, l'acte XIII du Hirak laissait craindre le pire pour ce mouvement et son pacifisme. Surtout qu'une ambiance délétère régnait en début de cette 12e journée du Ramadhan. Le vent et le temps morose n'étaient pas là pour arranger les choses...À Alger, c'était encore pire avec les «mauvaises surprises» que leur avaient réservées les forces de l'ordre. Les routes étaient plus que jamais bloquées au même titre que les escaliers de la Grande Poste. En effet, après avoir fermé il y a presque un mois le tunnel des Facultés rebaptisé «Ghar Hirak» par les manifestants, la police s'est attaquée à un autre symbole de la révolution du 22 février, en l'occurrence ces fameux escaliers d'où est donné le ton de chacune des manifestations à El Bahdja. Cette mesure, justifiée par les services de sécurité par un risque d'effondrement, a provoqué quelques échauffourées dans les premières heures de la matinée. Les URS (Unité républicaine de sécurité) ont quadrillé tous les parvis de la Grande Poste avec un barrage humain, mais aussi de fourgons antiémeute. Ce qui a provoqué la colère de la centaine de personnes déjà sur place. Ils ont tenté de «reprendre» cet endroit des plus symboliques! Des affrontements s'ensuivirent! Le Hirak gagne la bataille de la Grande Poste La police utilise les gaz lacrymogènes et la matraque. Quelques manifestants sont blessés. Les «Street Medic» (Gilets jaune et rouge) interviennent pour leur venir en aide pendant que les gilets oranges (médiateurs des marches) calment les esprits. Le pire est évité! Néanmoins, ni force de l'ordre et encore moins les manifestants ne se retirent! Ils se regardent comme des chiens de faïence. Les insultes contre les policiers fusent. On les traite de tous les noms. Certains baissent la tête alors que d'autres répondent par la violence. Comme ces tirs de gaz lacrymogène qui ont été enregistrés aux environs de 11h du matin et 14h. Un autre excès de zèle de policier aurait pu faire dégénérer les choses sortant cette 13e symphonie de son esprit «silmiya». Des jeunes montent sur un fourgon des URS. Deux policiers montent pour les descendre. L'un d'eux est consigné pour éviter que d'autres manifestants n'en fassent de même. Perdant les pédales après avoir entendu tous les noms d'oiseaux, il tire son spray lacrymogène et asperge à tout-va. La foule lui répond par des bouteilles d'eau vide et des chaussures. L'une d'elles lui fait tomber son casque de protection, il se tournent pour le ramasser, des manifestants montent et le pousse du haut du fourgon. Certains de ses collègues répliquent par des tirs de bombes lacrymogènes! C'est le moment où tout le monde se dit que ça va dégénérer... L'esprit «silmiya» toujours au rendez-vous Eh bien non! Ce peuple qui ne cessera jamais de nous étonner répond par les «silmiya» «silmiya». La prière du vendredi s'est achevée depuis une dizaine de minutes. Les fidèles arrivent en renfort. La place de la Grande Poste est presque toute recouverte par les couleurs nationales et les pancartes anti-pouvoir plus originales les unes que les autres. Le tout sous les fameuses sonorités du Hirak. Il est presque 15 h, une foule compacte a envahi cette place mythique de la capitale. C'est le moment pour le mouvement du 22 février de reprendre ce qui est à lui. Un raz de marée humain s'abat sur les policiers qui ne peuvent que prendre la fuite sous les «El Posta dyalna andirou rayna» (la Grande poste est à nous, on y fait ce qu'on veut, Ndlr). Les escaliers récupérés, les choses sérieuses peuvent commencer. Une foule compacte s'est ébranlée sur les rues d'«El Mahroussa» défiant au passage: vent, chaleur, forces de l'ordre et Ramadhan! L'emblème national flotte sur le beau ciel d'Alger, puisque la grisaille de la matinée a disparu avec l'arrivée de la foule, les marcheurs pouvaient réaffirmer leur opposition totale à l'élection du 4 juillet prochain! La rue refuse l'élection «Makache intikhabate ya el isabate» (Pas d'élections avec la bande mafieuse, Ndlr) était l'un des principaux slogans de cette journée. Il a même été traduit en berbère puisque le pouvoir ne semble pas comprendre avec les «Oulache el vote, oulache» qui fusaient de partout. Les «3B» (Le président de l'Etat Abdelkader Bensalah, son Premier ministre Noureddine Bedoui ainsi que le président de l'Assemblée nationale Mouad Bouchareb) en ont, comme à leur habitude, pris pour leur grade. Des manifestants ont aussi demandé à Gaïd Salah de lâcher les «3B» et le scrutin du 4 juillet prochain. Il a aussi été demandé à l'Armée nationale populaire de jouer son rôle de garante de la souveraineté du peuple sans s'impliquer en politique. «Oui, pour un Etat civil, non pour un régime militaire», scandent les milliers de manifestants qui battaient le pavé au centre-ville «Nous voulons une démocratie et un Etat de droit et non pas une dictature», lancent les marcheurs qui insistaient sur une transition sans les symboles du pouvoir. La fête s'est poursuivie dans la même joie, bonne ambiance et surtout détermination! Car, pour ce XIIIe acte de la révolution du Sourire, la mobilisation est restée intacte à travers les quatre coins du pays où des millions de manifestants sont sortis dans les rues pour réclamer le vrai changement et le départ de ce qu'ils appellent «les enfants de Bouteflika». Le vendredi 13 n'a donc pas porté malheur au Hirak, mais au...pouvoir!