Pour la plupart des partis politiques, aucun dialogue ne pourra s'engager véritablement ni aboutir s'il ne se fixe pas comme objectif le changement radical du système. L'ensemble des partis et acteurs politiques ne sont pas contre le dialogue, qui est une alternative pour sortir le pays de la crise. Mais beaucoup de ces entités s'opposent à l'approche du chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, qui a appelé, à partir de Tamanrasset, à un dialogue en excluant la transition. Si le RCD et le FFS rejettent l'offre de Gaïd Salah, le MSP pose ses conditions, alors que Talaie El Hourriyet, dirigé par Ali Benflis, ainsi que les partis au pouvoir sont favorables au dialogue de Gaïd Salah. Hakim Belahcel, premier secrétaire du FFS, rejette ce dialogue dans le fond comme dans la forme, car, selon lui, il ne vise qu'à pérenniser le système actuel, d'autant que les participants sont appelés à simplement cautionner une démarche déjà décidée par le régime. «Gaïd Salah fixe l'objectif principal de ce dialogue sans transition, celui d'arrêter la composante de la commission qui sera chargée de l'organisation de cette élection. Il choisit en même temps les protagonistes de ce dialogue, à savoir des personnalités politiques et des élites nationales, d'un côté, et les représentants actuels du système de l'autre côté. Ce n'est pas normal», dénonce Belahcel, rappelant que le dialogue, auquel le FFS appelle depuis sa création, doit être inclusif impliquant la participation de tous les acteurs politiques et ceux de la société civile sans exclusive. Ce sont ces participants, selon le FFS, qui, en toute indépendance, définiront la feuille de route qui permettra d'organiser une élection présidentielle selon les normes universelles et de convenir des voies et moyens de réaliser une transition démocratique effective dans des délais raisonnables. Aucun dialogue, de l'avis du FFS, ne pourra s'engager véritablement ni aboutir s'il ne se fixe pas comme objectif le changement radical du système avec l'élection d'une Assemblée nationale constituante et l'instauration de la IIe République. «Changement radical du système» Le RCD n'a pas été tendre avec le patron de l'institution militaire, Mohcine Belabbas rappelle que le dialogue est un moyen civilisé que l'opposition a toujours prôné et espéré. Mais il considère qu'il n'appartient pas à Gaïd Salah de fixer les termes du dialogue. «Exclure d'autorité toute idée de transition qui tourne la page de l'autoritarisme relève d'un hold-up de la mobilisation et de la souveraineté du peuple en lutte. L'absence criante de discernement et de vision du vice-ministre de la Défense nommé par le Président déchu s'impose de plus en plus comme un facteur de blocage au dénouement de la crise», relève le chef du RCD, pour qui l'heure n'est pas à «donner une fausse bonne conscience en rejetant la responsabilité sur d'autres acteurs», l'opposition notamment. Belabbas estime que «l'entêtement du chef d'état-major de l'armée à aller à une présidentielle sans passer par une période de transition constituante doit être dénoncé et stoppé». Pour lui, cela «n'a pour but que de spolier le peuple algérien de sa révolution pour installer de nouveaux hommes-liges du pouvoir de fait». Le RCD veut un dialogue ouvert et productif sur les problèmes de fond qui ont handicapé notre pays et la façon de sortir des crises cycliques que traverse l'Algérie depuis 1962. «Non, il ne s'agit pas de sortir d'une phase complexe, mais de faire de cette période révolutionnaire une porte d'entrée dans une Algérie de liberté et de progrès. Voici nos différences d'approche», note-t-il a l'adresse de Gaïd Salah. Le MSP, présidé par Abderrazak Makri, dit oui au dialogue, mais sans la participation des «3B» (Bensalah, Bedoui et Bouchareb) à qui il refuse tout rôle dans la période actuelle et future. «Un dialogue sérieux et responsable est aujourd'hui une nécessité après l'échec du projet de la présidentielle du 4 juillet. Nous sommes prêts à participer dans tout processus de dialogue conduit par des personnalités novembristes, acceptées par le peuple, et non impliquées dans la corruption et la fraude», explique Makri qui propose de désigner un autre chef d'Etat. Un dialogue sous conditions Une désignation qui peut se faire dans le cadre d'une lecture élargie de la Constitution, comme il suggère la nomination d'un nouveau président du Conseil constitutionnel et la démission de Bensalah. Par contre, Talaie El Hourriyet, Taj, RND, MPA ont accueilli favorablement l'offre de Gaïd Salah, dans laquelle il a appelé au dialogue. Ali Benflis adopte dans le fond et la forme la proposition du chef de l'armée. «Par sa tonalité comme par son contenu, le discours de Gaïd Salah pose des jalons importants sur la voie de la recherche d'un règlement à la grave crise politique, institutionnelle et constitutionnelle que vit notre pays», estime Ali Benflis. «Le dialogue s'impose comme une nécessité impérative dès lors qu'il répond pleinement à une préoccupation très largement partagée, celle de mettre le pays sur le chemin de sortie de crise le moins long, le moins risqué et le moins coûteux politiquement, sécuritairement, économiquement et socialement», note Benflis qui se réjouit du fait que Gaïd Salah fait part «des contours du dialogue proposé. Il en établit le cadre ; il en définit l'objectif ; et il en expose la méthode». Le MPA, RND et Taj expriment leur «plein soutien» à l'appel au dialogue lancé par le chef d'état-major de l'ANP.