Un par un, les marchands ambulants ont fini par s'installer durablement sur la rue colonel Amirouche, devenue un marché quotidien. Depuis quelques jours, ils se sont même permis de recouvrir leurs étals, de bâches, donnant ainsi un nouveau look au quartier. S'ils se permettent d'engager des dépenses, c'est en prévision de l'été, sachant qu'ils y seront encore. Leur nombre ne cesse de croître et le volume des marchandises de plus en plus important, grignote chaque jour un peu plus d'asphalte. Leur clientèle semble trouver son compte, particulièrement les femmes, interdites habituellement du « souk hebdomadaire ». Le moindre espace est exploité. Les automobilistes qui ne trouvent plus de place pour le stationnement sont chassés vers la sortie de la ville. Ils ne sont pas les seuls à se plaindre. Les piétons ne sont pas mieux lotis puisqu'ils ne peuvent plus revendiquer les trottoirs et l'asphalte, encore moins. Le mécontentement gagne aussi les commerçants activant dans la légalité, qui désignent du doigt « ces marchands informels qui ne paient ni impôt ni loyer et viennent nous concurrencer jusque devant nos boutiques », dit l'un d'eux. Ce qui, d'après eux, les contraint à sortir de leurs magasins pour « squatter » leurs devantures qu'ils aménagent chacun, suivant ses moyens « pour faciliter l'accès à la clientèle ». Au fur et à mesure que l'on avance, le trottoir change de forme, de couleurs et de hauteur, selon le bon vouloir des riverains. Les travaux exécutés, anarchiquement, transforment l'espace public en un dédale où les passants doivent redoubler de prudence pour éviter des accidents. Cette mosaïque hideuse donne l'image de la confusion qui règne dans la rue. Chacun squatte ce qu'il peut de l'espace public. Une anarchie où les moindres recoins, tels les cages d'escaliers, sont aménagés en boutiques dont personne ne conteste la légalité.