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« Il est indispensable de garder un minimum de débat »
Réda Hamiani, président du forum des chefs d'entreprises
Publié dans El Watan le 06 - 05 - 2010

Commentant les dernières positions du FCE par rapport à la politique économique du gouvernement, Réda Hamiani, ancien ministre de la PME, a affirmé : « Nous n'allons pas nous taire car notre fonction également est de susciter un débat et d'exposer le point de vue des chefs d'entreprise sur telle ou telle politique », trahissant par là même sinon une opposition sur la conduite des affaires économiques, du moins une divergence de vues.
Les entreprises publiques viennent de démissionner du FCE. Que se passe-t-il exactement ?
C'est un fait que nous regrettons, d'abord. Nous prenons cela avec beaucoup de sagesse, de sérénité et de sens des responsabilités. Je crois qu'il doit y avoir des raisons majeures qui motivent leur démission, mais je rappelle que le Forum a une formule d'adhésion libre et de démission libre. Je ne veux pas faire de commentaire inutile car s'il y a des raisons à évoquer, c'est à eux de nous les donner. Nous avons eu des lettres qui confirment que les organes de direction n'ont pas suivi ; certaines entreprises ont évoqué des difficultés financières qui ne leur permettent pas de s'acquitter des cotisations.
Certaines sources nous ont fait savoir qu'il s'agit d'une instruction officielle venant des instances de l'Etat. Confirmez-vous cette information ?
Nous n'avons pas été mis au courant de cette instruction. En tout cas, les motifs invoqués dans les lettres de démission que nous avons reçues font tous référence à des décisions émanant des Sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP) et des directions générales.
Quel sort sera ainsi réservé au FCE si l'on doit rappeler que ces entreprises publiques représentent la majeure partie de son chiffre d'affaires ?
Il faut que vous sachiez d'abord qu'une trentaine d'entreprises publiques sont membres du FCE sur un total de 300 adhérents. Il est vrai que le volume d'affaires de ces entreprises, à l'instar de Saidal et Air Algérie, est plus important comparé aux chiffres réalisés par les unités du privé, excepté Cevital. Le retrait de ces entreprises n'aura pas d'impact sur la ligne conductrice du FCE, car nous continuerons à défendre nos intérêts et l'environnement de nos affaires.
Des voix, qui se sont élevées, vous reprochent de faire de la politique en critiquant la politique économique du gouvernement…
Nous estimons, au sein du Forum, que nous sommes dans notre rôle quand il s'agit de commenter, d'avertir les autorités et de les alerter sur certaines mesures qui ont été prises. Nous sommes une association de patronats qui a le droit de scruter avec attention le contenu des politiques économiques et les conséquences sur les entreprises. Dans le monde actuel où les situations changent, on ne peut pas figer les idées, les façons de faire et les modes opératoires, car il n'y a pas de vérité révélée. Nous estimons indispensable de garder un minimum de débat sur le plan économique pour essayer de situer l'Algérie par rapport au monde économique. Ce n'est pas faire de la politique quand on donne son avis sur la politique économique. Nous n'allons pas nous taire, car notre fonction également est de susciter un débat et d'exposer le point de vue des chefs d'entreprise sur telle ou telle politique. Par rapport aux dernières mesures économiques du gouvernement, personne au monde ne soutient l'idée d'une ouverture économique débridée et le rôle régulateur de l'Etat. Au sein du FCE, nous étions craintifs au départ, parce que si nous additionnons les mesures de la loi de finances complémentaire 2009, il y a des lourdeurs sur le plan mode de gestion des entreprises. Cependant, nous nous sommes dit qu'il faut attendre un peu pour jauger les conséquences de cette politique économique. Nous avons même demandé audience aux autorités, à commencer par le Premier ministre, le ministre des Finances et celui de l'Industrie. Nous leur avons dit que nous considérons votre politique économique bien fondée par rapport au contexte international, mais nous avons demandé qu'il y ait des discussions autour d'une table pour voir qu'elles sont les meilleures formules de mise en œuvre à travers des facilitations. Nous avons été entendus sur le principe, mais force est de constater que 3 ou 4 mois après, aucune mesure d'assouplissement n'est introduite, notamment pour ce qui est du crédit documentaire. Il n'y a eu aucune suite par rapport aux correctifs techniques que nous avons suggérés à la loi de finances complémentaire 2009. La question du partenariat à 51/49% pour l'investissement et 70/30% pour le commerce n'avait pas lieu d'être, à notre avis, car il fallait opter seulement pour l'équilibre de la balance des devises afin de solutionner ce problème. Autrement, nous avons suggéré d'inverser la tendance en optant pour la formule 51/49 pour le commerce et la 70/30% pour l'investissement en définissant les secteurs stratégiques qu'il ne faut pas ouvrir aux étrangers. Nous, en tant qu'association, avons l'obligation morale de refléter le point de vue des opérateurs. Il fallait à tout prix qu'on réagisse. Car quand on prend des décisions en haut de la pyramide, il ne faut pas qu'on n'oublie aussi que notre administration est bureaucratique et pesante.
Maintenant que le FCE se vide de ses membres du secteur public, serait-il opportun de rediscuter les statuts de votre association ?
Nous n'arrivions pas jusqu'ici à avoir une majorité qui se distingue dans un sens ou dans un autre. Cette question de faire du FCE un syndicat de patronat est récurrente et nous l'avons posée lors de la dernière assemblée générale. A cette époque, nous n'avions pas atteint le quorum parce qu'il nous manquait deux ou trois voix qui ont empêché de valider cette décision. Nous prévoyons une autre assemblée générale pour le début juin et nous avons inscrit cette question à l'ordre du jour. Nous nous sommes intéressés à l'évolution de la tripartite qui ne devient pas un cadre pour discuter uniquement des questions salariales. Je crois qu'il faut intégrer ce cadre de discussion, mais la décision revient aussi à l'assemblée générale. Cette question est inscrite aussi à l'AG prévue pour le début du mois de juin prochain.
Certains confrères ont considéré que vos déclarations sur les augmentations de salaires des employés du secteur économique (public et privé) issues de la mise à jour des conventions de branches, ont provoqué les foudres des responsables de l'Exécutif. Qu'en dites-vous ?
Votre question me permet de tirer les choses au clair par rapport à la révision des conventions de branches et des hausses salariales qui en découlent. Je me permets de dire d'abord que les négociations tripartites qui ont abouti à ces revalorisations salariales constituent une avancée sur le plan économique et social. Car, nous sommes passés par une période où c'était l'Etat qui s'arrogeait le droit de fixer les salaires et les revalorisations. Quant à la position du FCE, sachez que nous n'avons pas dit que nous sommes contre les conventions de branches et la hausse des salaires. La formule que j'ai utilisée à ce sujet a été tronquée, car on n'a pris qu'une partie de la phrase. J'avais donc dit que nous ne sommes pas concernés, car nous n'avons pas été en face des partenaires autour de la table de négociations. Il est bien évident que si les conclusions de ces conventions de branches revêtent la force de la loi, on demandera aux entreprises et à nos membres de respecter ces dispositifs juridiques.
Etes-vous donc pour ou contre la hausse des salaires dans le secteur privé ?
Le salaire a deux aspects : celui lié à la revalorisation du pouvoir d'achat, tandis que l'autre volet est lié au coût du salaire pour l'entreprise. Primo, on se félicite parce que ces salaires constituent en quelque sorte une espèce de rattrapage afin de revaloriser le pouvoir d'achat. Mais cette hausse des salaires a deux effets. Le premier est de type accordéon, c'est-à-dire que quand on augmente les bas salaires tout s'enchaîne pour se répercuter sur les salaires se situant sur les points culminants de la pyramide salariale. Soit nous voulons passer d'un Etat de rente qui distribue de cette manière l'argent du pétrole, soit nous voulons asseoir notre économie sur une formule de cohérence, et auquel cas alors nous devons suivre les gains de collectivité pour fixer les rémunérations en association avec les partenaires sociaux. Dans le calcul des salaires, il n'y a pas que la productivité, car il faut prendre en compte aussi le coût du produit. Economiquement, il y a risque inflationniste lorsque la production ne suit pas les salaires. Il ne faut pas donc que l'Etat donne d'une main ce que l'inflation va nous reprendre de l'autre. Donner donc 20% de plus au travailleur c'est bien, mais c'est aussi préoccupant pour la compétitivité de notre économie. Au Forum, nous sommes à l'aise pour dire que nous n'avons pas attendu ce texte pour augmenter les salaires.


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