Le président Abdelaziz Bouteflika s'apprête à effectuer un troisième voyage officiel en Iran. Son déplacement est prévu dans les dix prochains jours. Le chef de l'Etat, dont l'agenda est de plus en plus flottant, devait se déplacer, il y a deux semaines, en Allemagne. Visite reportée en raison des nuages de cendres du volcan islandais. Bouteflika répond à une invitation iranienne qui lui a été adressée en 2008 (en réponse à la visite du président iranien en Algérie en 2007). A Téhéran, le chef de l'Etat algérien devra discuter de plusieurs dossiers politiques et économiques. Il fera le bilan de dix ans de relance de la coopération entre les deux pays après sa fameuse rencontre avec Mohamed Khatami à New York en 2000. Mais, la reprise opérationnelle a eu lieu lors de la première visite de Bouteflika en Iran en 2003. Trente-deux accords ont été signés depuis. « L'Iran veut élever la coopération économique au niveau des relations politiques », estime une source diplomatique. Téhéran se dit prêt à coopérer avec l'Algérie dans le domaine spatial mais également dans les secteurs de la pétrochimie, de l'habitat et de la construction automobile. Des accords douaniers et fiscaux ont été signés pour accélérer le flux des investissements. Quatre conventions de coopération dans les domaines de l'agriculture, des transports, de la navigation ont été également signés. Iran Air a tout préparé pour ouvrir une ligne aérienne directe vers Alger. Air Algérie envisage de faire de même mais avec la perspective d'assurer une ligne Téhéran-Moscou. Faire d'une pierre, deux coups donc, mais cela semble obéir à l'expression d'une certaine volonté politique de concrétiser le projet. Une expression qui tarde à venir. Toutes les lignes directes qui aboutissent à Téhéran sont tracées par les réseaux occidentaux et israéliens de surveillance, y compris le suivi satellite. Une feuille de route chargée Récemment, le comité de suivi algéro-iranien s'est réuni à Alger et a élaboré une feuille de route contenant au moins une vingtaine de secteurs où la coopération sera progressivement établie. « La volonté politique de la direction des deux pays aspire à développer davantage ces relations marquées par la stabilité », a déclaré Ali Nikzad, ministre iranien de l'Habitat et du Développement des villes, chargé à Téhéran de suivre les relations avec l'Algérie. Selon lui, la position géographique des deux pays leur donne davantage de raison pour renforcer leur coopération économique et stratégique. Au sein du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG), l'Iran entend travailler en concertation avec l'Algérie pour se prémunir contre tout retournement négatif du marché. Avec 15% de réserves mondiales de gaz naturel, l'Iran occupe la deuxième position derrière la Russie (27%) et avant le Qatar (14%). « Les deux pays doivent coopérer dans le domaine du pétrole et du gaz en élaborant un programme à long terme et en définissant les objectifs », a déclaré Ali Nikzad. La National Iranian Oil Company (NIOC, équivalent iranien de Sonatrach) a envoyé plusieurs de ses responsables à Alger pour explorer les domaines de la coopération pétrolière et gazière. Des projets sont en phase de développement à Hassi Messaoud. Nucléaire civil Des investisseurs algériens envisagent d'ouvrir une usine de production pharmaceutique en Iran. Un mémorandum d'entente sur la normalisation, portant sur la reconnaissance mutuelle des certifications et l'accréditation des laboratoires, a également été signé. A Téhéran, on met souvent en avant les progrès scientifiques du pays. Un pays qui compte 5000 savants. Lors d'une précédente visite en Iran, Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, a demandé un appui iranien pour le développement du nucléaire civil en Algérie. Demande acceptée par Téhéran compte tenu du soutien de l'Algérie sur le plan international autour du dossier atomique. « L'appui de l'Algérie est plus que stratégique. Il conforte notre combat pour la maîtrise du nucléaire à des fins pacifiques, mais il constitue un signal fort pour les pays africains, musulmans et globalement pour le tiers-monde. L'Algérie a une vision profonde et précise vis-à-vis de ce dossier, cela ne peut que nous réjouir », a déclaré à la presse Hossein Abdi Abyaneh, ambassadeur d'Iran à Alger. Selon lui, l'Iran est convaincu que les pays africains et musulmans arriveront un jour à maîtriser la technologie nucléaire. « L'Iran est le premier gendarme, qui se place au-devant de cette longue et grande bataille pour le nucléaire », a-t-il appuyé. La doctrine algérienne est de soutenir le droit légitime des pays membres du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) à accéder à la maîtrise de la technologie nucléaire à des fins pacifiques. Principe réitéré dernièrement par le ministre algérien des Affaires étrangères à New York lors de la conférence de suivi du TNP qui s'est tenue au siège de l'ONU. Mourad Medelci a eu des entretiens avec son homologue iranien Manouchehr Mottaki, en marge de cette conférence. Il a également rencontré le secrétaire d'Etat américain adjoint aux affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman. Médiation ? Mourad Medecli a participé aussi à une réunion de travail restreinte organisée par la secrétaire d'Etat américaine Hilary Clinton. Peu de pays ont pris part à cette réunion presque secrète. Il se peut que la diplomatie algérienne soit sollicitée pour créer des conditions moins tendues dans la perspective de rapprocher les points de vue entre Téhéran et Washington sur le dossier nucléaire. Des pays comme l'Espagne, l'Autriche, voire l'Australie et la Turquie, peuvent venir en appoint à cette démarche en phase d'élaboration. La semaine écoulée, Mahmoud Ahmadinejad, qui a pris part à la conférence de New York sur le TNP, a fait deux escales techniques à Alger. Aucune information n'a filtré sur d'éventuelles rencontres du président iranien avec des responsables algériens. Les Iraniens se rappellent du rôle joué par l'Algérie dans la définition des frontières avec l'Irak en 1975 et de la médiation faite pas la diplomatie algérienne dans la crise des otages américains en Iran en 1980. La question d'une nouvelle médiation algérienne a été déjà évoquée en cercles fermés en 2008 lors de la visite de Bouteflika à Téhéran. Mais les choses n'ont pas vraiment évolué depuis. Israël n'est pas emballé par ce genre d'initiatives. Tel-Aviv suit de près tout ce qui a trait aux relations extérieures de l'Iran avec des pays comme la Syrie et l'Algérie.