Au moment où la vente du Grand Hôtel d'Oran bat de l'aile, les syndicalistes hissent le drapeau rouge. « On est au bord du gouffre. On pousse aujourd'hui, dans le calme, un cri d'alarme. Il faut nous entendre ! » Le SG de la section du conseil syndical du Grand Hôtel, Nordine Belhadj, évoque, notamment, la situation jugée « précaire » des salariés de cet établissement public, qui ont le sentiment d'être « jetés en pâture » à la veille de la privatisation du Grand Hôtel. Et de revendiquer tous azimuts, « d'abord la signature d'une convention collective qui protégerait les travailleurs contre les éventuelles compressions d'effectifs une fois l'hôtel privatisé. » Devenu EURL, filiale de l'EGT Ouest, depuis 2002, l'hôtel est complètement autonome et compte 71 salariés dont le tiers est contractuel. « Nous exerçons dans le cadre d'une vieille convention datant de 1998 et qui est, de fait, totalement caduque car elle n'a pas été reconduite, alors qu'elle doit l'être chaque année », relate notre interlocuteur. « En cas de privatisation, nous demandons une indemnité basée sur 2 mois de salaire par année de travail, en plus d'une indemnité de préavis », énumère encore M. Belhadj. « Au bord du gouffre ? » Une diatribe justifiée, selon ce syndicaliste, dans le sens où, « effectivement, la frustration de vivre dans une incertitude entourant cette privatisation donne l'impression d'une grosse amertume. » « Certes, dit-il, la privatisation est inévitable, mais doit-elle pour autant tirer sur tout ce qui bouge et fonctionne autour d'elle. Pour nous, il nous faut un maximum de protection. Dans le respect de la dignité sociale s'entend ! » une histoire chargée L'hôtel a été inauguré quelque temps avant 1920. Il a connu, depuis, de nombreuses escales de célébrités dont le général de Gaulle et le célèbre boxeur Marcel Cerdan. Situé en plein centre d'Oran, l'établissement de 5 étages compte 110 chambres et un restaurant. Des chambres qui coûtent en moyenne 1 300 dinars la nuitée. Mais il semblerait que le taux d'occupation, qui ne dépasse pas les 40 %, a grandement découragé les éventuels repreneurs potentiels, puisque les offres ne se bousculent pas au portillon. Seuls trois dépôts de dossiers de soumission auraient été enregistrés. Les cahiers des charges étaient pourtant disponibles depuis le 17 octobre 2004 et les soumissionnaires devaient faire parvenir leurs offres à l'EGT Ouest avant le 17 janvier 2005. Alors que l'ouverture des plis a été opérée en février dernier, l'Hôtel n'aurait reçu à ce jour, et comme sa première tentative de mise en vente en 1998, que des offres dérisoires. L'un des 25 hôtels proposés à la privatisation, le Grand Hôtel, n'aurait ainsi reçu, lors de l'ouverture des plis, que trois offres. La privatisation de l'hôtel vous fait-elle peur ? « Non », répond M. Belhadj. « Notre souci est tout simplement de nous entourer d'un maximum de garanties et de protections sociales, car la plupart des salariés s'attendent déjà à rendre le tablier une fois l'hôtel vendu au privé. Le privé ? On sait ce que c'est », martèle-t-il L'opération de privatisation est, en effet, mise en branle depuis déjà 6 ans ; sans toutefois aboutir. « Le partenaire social a été carrément mis hors-circuit », regrette ce syndicaliste qui se plaint d'un « black-out total entretenu sur l'information. » Ainsi, au moment où M. Kara, le ministre du Tourisme, ne cesse de plaider en faveur de « la privatisation des hôtels publics et de décharger l'Etat de la mission de gestionnaire, pour qu'il se limite au rôle de régulateur », un regroupement régional des syndicats du secteur hôtelier est prévu dans les tout prochains jours, à l'Ouest, afin d'accorder les violons autour d'un maximum de garanties sociales.