Fin mai, le chef du Conseil militaire, Abdelfattah Al Burhan, s'est rendu en Arabie Saoudite, en Egypte et aux Emirats arabes unis, pays hostiles aux soulèvements populaires dans la région. Deux figures de la contestation au Soudan ont été interpellées par des «hommes armés», après une rencontre avec le Premier ministre éthiopien, ont fait part hier des proches. Le diplomate éthiopien s'est rendu vendredi à Khartoum pour tenter de résorber la crise avec les militaires au pouvoir. Il a rencontré à cette occasion le général Abdel Fattah Al Burhan et plusieurs chefs de la contestation. Selon ces sources, Mohamed Esmat, un leader au sein de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), avant-garde de la contestation, et Ismaïl Jalab, secrétaire général du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N), ont été arrêtés après leur rencontre avec Abiy Ahmed. Vendredi, «lorsque nous sommes sortis de l'ambassade d'Ethiopie, une voiture avec des hommes armés s'est arrêtée, ils ont emmené Mohamed Esmat vers un lieu inconnu et sans donner d'explication», a déclaré Essam Abou Hassabou, membre de l'ALC. Hier, des «hommes armés», venus à son lieu de résidence, ont aussi «embarqué Ismaïl Jalab vers une destination inconnue», a indiqué à son tour Rachid Anouar, responsable au sein du SPLM-N, la branche Nord d'une ex-rébellion sudiste. Selon ce dernier, le porte-parole dudit mouvement, Moubarak Ardoul, a été également «embarqué». Mercredi, les forces de sécurité ont «arrêté» Yasser Amran, chef-adjoint du SPLM-N. Ces arrestations interviennent alors que la crise politique qui secoue le pays ne fait que s'aggraver. En effet, des hommes armés, nombreux, en treillis, ont vidé lundi dernier le campement dressé depuis le 6 avril par le mouvement de protestation. Selon le Comité de médecins soudanais, cette opération répressive a fait 113 morts. Bilan contesté par le gouvernement, qui fait état de 61 morts. Ledit comité a relevé que 40 corps ont été repêchés dans les eaux du Nil. «Un massacre», a dénoncé l'Association des professionnels soudanais (SPA), qui fait partie de l'ALC. Les protestataires ont accusé les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) d'avoir perpétré cette opération sanglante. Elles sont dirigées par le général Mohammed Hamdan Daglo, ancien chef de milices accusées par la communauté internationale d'exactions au Darfour, devenu le n°2 du Conseil militaire au pouvoir depuis la chute de El Béchir. Tempête Le 19 décembre 2018, des centaines de Soudanais manifestent après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, dans un contexte de crise économique et de mesures d'austérité. Le lendemain, les manifestants réclament la fin du régime. Le 22 février, le président Omar El Béchir décrète l'état d'urgence et limoge le gouvernement. Le 6 avril, la contestation prend la forme d'un sit-in devant le siège de l'armée à Khartoum. Le 11 du même mois, les militaires destituent le général El Béchir, au pouvoir depuis 1989, soutenu par l'islamiste Hassan Tourabi. Un Conseil militaire de transition est créé. Cependant des milliers de manifestants restent devant le quartier général de l'armée pour réclamer le transfert immédiat du pouvoir aux civils. Le 20 mai, après des avancées, les négociations entre les généraux au pouvoir et les chefs de la contestation s'achèvent sans accord sur la composition d'un Conseil souverain. Chaque partie souhaite diriger ce Conseil chargé de mener une transition sur trois ans. Fin mai, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah Al Burhan, s'est rendu en Arabie Saoudite, en Egypte et aux Emirats arabes unis, pays hostiles aux soulèvements populaires dans la région. Mercredi, les chefs de la contestation rejettent l'appel des généraux à la tenue d'élections sous neuf mois et l'offre de dialogue en dénonçant un «putsch» suite à la répression, lundi, des manifestants, principalement par les Forces de soutien rapide.