Vendredi, le premier ministre éthiopien s'est rendu à Khartoum pour tenter de résoudre la crise et a lancé un appel au dialogue. La veille, l'Union africaine (UA) avait suspendu le Soudan «jusqu'à l'établissement effectif d'une autorité civile de transition». La veille de la fête de l'aïd el fitr, des hommes armés, nombreux, en treillis, ont brutalement dispersé à l'aube le campement dressé depuis le 6 avril par le mouvement de protestation. Les manifestants avaient pourtant réussi à mettre fin à une dictature, précipitant la chute du président Omar el-Béchir, destitué par l'armée le 11 avril, après 30 ans de règne. Ils avaient ensuite poursuivi leur mouvement pour réclamer aux militaires qu'ils donnent le pouvoir aux civils. Mais alors qu'elles avaient jusque-là fait preuve de retenue, les forces de sécurité soudanaises ont finalement mis en oeuvre les mots du dictateur déchu. Des vidéos sur les réseaux sociaux ont montré des manifestants tentant de prendre la fuite, certains portant des blessés à bout de bras. Proche de la contestation, le Comité de médecins soudanais a avancé le chiffre de 113 morts et plus de 500 blessés. Un bilan contesté par le gouvernement (61 morts). «Un massacre», a dénoncé l'Association des professionnels soudanais (SPA) qui fait partie de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation. Pour les protestataires, il n'y a pas l'ombre d'un doute: les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), sont responsables de la tuerie. Ces forces armées sont dirigées par un des deux nouveaux hommes forts du pays: le redouté général Mohammed Hamdan Daglo dit «Hemeidti», ancien chef de milices, passé numéro 2 du Conseil militaire au pouvoir. A la tête du Conseil, le général Abdel Fattah al-Buhrane, un militaire propulsé à la tête du pays. Quelques jours avant la dispersion du sit-in, il s'était rendu en égypte, aux émirats arabes unis, ainsi qu'en Arabie saoudite. Officiellement, ces trois pays ont appelé à la reprise du dialogue, mais leurs dirigeants, hostiles aux soulèvements populaires dans la région, sont soupçonnés de manoeuvrer en sous-main pour maintenir le statu quo autoritaire. Désormais, les généraux soudanais sont sous la pression de la communauté internationale. Vendredi, deux figures de la contestation ont été interpellées par des «hommes armés», après une rencontre avec le Premier ministre éthiopien, venu vendredi à Khartoum pour tenter de résorber la crise. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a appelé à une transition démocratique «rapide», après avoir rencontré le président du Conseil militaire, le général Abdel Fattah al-Burhane, et plusieurs chefs de la contestation. Selon des proches, Mohamed Esmat, un leader au sein de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, et Ismaïl Jalab, secrétaire général du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N), ont été arrêtés après leur rencontre avec M. Abiy Ahmed.La veille, l'Union africaine (UA) avait suspendu le Soudan «jusqu'à l'établissement effectif d'une autorité civile de transition». Une initiative saluée par l'Union européenne. Les discussions étaient suspendues depuis le 20 mai, les deux parties ne parvenant pas à trouver un accord sur la présidence et la composition du Conseil souverain censé gérer la période de transition pendant trois ans. Après l'intervention éthiopienne, l'ALC a déclaré envisager une reprise des discussions, sous conditions: la «reconnaissance» par le pouvoir des violences sur les manifestants, la libération des prisonniers et le «retrait» de la présence militaire dans tout le pays.