A l'aise dans les deux registres de langues : arabe algérien et berbère, Cheikh Sidi Bémol navigue aussi sur plusieurs genres musicaux qu'il sait marier pour sortir, à chaque étape de son parcours, avec une fusion originale. Le public d'Oran l'a découvert pour la première fois, mardi soir, à l'auditorium de l'USTO, lors d'un spectacle organisé par le CCF, drainant (malgré les places payantes, fait inhabituel) un public nombreux. L'ambiance était telle que, dès le début du concert, presque plus personne ne tenait en place, et la foule a fini par envahir le devant de la scène. Cheikh Sidi Bémol chante l'amour, mais ses textes traduisent toujours des faits de société ou même politique comme dans blad tchina, sans doute une parodie de la classe nantie algérienne qu'on tente de présenter comme un modèle de bourgeoisie. En revanche, son intérêt pour les personnages originaux, à la limite de la marge, comme El bandi ou Saâdia peut provenir de sa culture rock ou blues, mais il lui arrive aussi de s'inspirer du terroir, le diwan gnawi en particulier, un genre qui, avant d'être en vogue, était particulièrement apprécié à l'Ouest. Sur ce genre de rythmes, le public s'est donné à cœur joie. Il dansera aussi sur les autres variantes de la musique algérienne brillamment interprétées par ses musiciens qui savent à chaque fois en restituer l'âme sans faire dans le mimétisme et c'est tout l'intérêt. Une réelle synergie se dégage de cette formation représentée par Amar Chaoui (percussions), Hervé le Bouché (batterie), Eric Rakotoarivony (basse) et Khlif Mizialloua à la guitare. Les solos de ce dernier dénotent une réelle imprégnation dans les pratiques musicales algériennes qu'elles soient locales ou fruit d'influences multiples. Awithed un coup, (donnez nous à boire) est un extrait de l'un de ses derniers albums intitulé Izlan ibahriyen (le chant des marins), un chant typique des gens de la mer qui sort du registre habituel mais d'un charme hors du commun. L'attrait mélodique se retrouve aussi dans le titre adezzi saâ, une très belle chanson, interprétée à l'origine avec les voix envoûtantes du groupe Djurdjura. La reprise vaut le détour, avant le retour au blues avec une version très personnelle de Ghomari, le titre qui clôturera le spectacle. Entre-temps, à la demande du public, pancarte brandie en guise de revendication, Cheikh Sidi Bémol fera un tabac avec Makayen walou khir ma lamour.