Vent de colère chez les cheminots. Le mouvement de protestation, spontanément initié par la base syndicale, a engendré hier d'importantes perturbations dans le transport des voyageurs et de marchandises sur le territoire national. Dans la capitale, la majorité des trains de banlieue n'a pas quitté le quai. Même le service minimum n'a pas été assuré. Par conséquent, de nombreux usagers, désirant rejoindre Alger, sa banlieue ou d'autres wilayas du pays, n'ont pas pu le faire. Les citoyens devaient se rabattre sur d'autres moyens de locomotion. D'aucuns n'ont pas manqué de pester contre ces intempestifs tracas. « C'est surprenant cette grève ! Je n'ai pas eu vent d'une telle action. Sinon, j'aurais pris mes précautions », susurre un étudiant. Au niveau de la gare Agha, le silence régnait dans les quais. Bras croisés, des préposés au guichet ne savaient pas quoi faire. Pas très loin, un groupuscule de cheminots-syndicalistes tenait des conciliabules. Le ras-le-bol est à son acmé. « Nous avons déclenché ce mouvement de grève illimitée parce que nous avons été exclus des rémunérations salariales. Ceci alors que d'autres secteurs d'activité sont concernés par les conventions de branches », tonne un syndicaliste, affilié à une section syndicale de la région d'Alger. Quid du préavis de grève ? « On n'a pas besoin de le donner. Cette grève est l'expression d'un grand malaise au sein de notre corporation. Nous touchons des salaires de misère. On ne peut plus continuer de vivre comme ça, d'autant plus qu'on vient de nous signifier que nous ne sommes pas concernés par les conventions de branches », tempête-t-il, estimant que les grévistes sont convaincus de la justesse de leur revendication. Pris de court et accusée par sa base de « trahison et de complicité avec l'administration », la Fédération nationale des cheminots, affiliée à l'UGTA, observe de loin le remue-ménage. « Notre syndicat a tourné le dos à nos doléances », déplore notre interlocuteur. Les sections syndicales de la région d'Alger ont déjà saisi le bureau fédéral de leur syndicat et la direction générale de la SNTF, les interpellant sur leur situation sociale « intenable » et afin de satisfaire leurs « droits inaliénables ». « Nous avons consenti des sacrifices durant la décennie noire. Et aujourd'hui, on nous refuse injustement une augmentation des salaires dans le cadre des négociations sur les conventions de branches. Nous ne demandons que notre droit à un salaire décent. Nous ne demandons pas la lune », réclame un autre syndicaliste, rencontré au siège de la direction régionale de la SNTF, à Alger. Ils sont nombreux, d'ailleurs, à observer un pied de grue afin d'exprimer leur colère. « Le cheminot est devenu presque un mendiant. J'ai trente ans de carrière. Et mon salaire de base ne dépasse pas 19 000 DA. C'est injuste », raconte, amer, un vieux cadre de la société, en indiquant que bon nombre de cheminots, loin de joindre les deux bouts, traînent fatalement des maladies chroniques. Par ailleurs, ils rejettent avec véhémence l'argument de l'administration selon lequel la SNTF n'est pas en mesure de consentir de nouvelles augmentations salariales. « Ce n'est pas de notre faute si cette entreprises est en crise. C'est leur responsabilité de redresser la barre. Après tout, c'est à eux d'assumer la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve. Ce n'est pas à nous de payer les pots cassés », affirment-ils à l'unanimité. « Grève illicite » Si ce mouvement de grève, de l'avis des syndicalistes, a enregistré une large adhésion, la SNTF tente de minimiser son ampleur. « Ce mouvement est illicite et ne répond pas aux procédures légales », soutient Dakhli Noureddine, directeur des ressources humaines à la direction générale de la SNTF, lors d'un point de pressé improvisé dans l'après-midi d'hier. « Le taux de suivi national est de moins de 40% et a touché particulièrement les wilayas de Annaba, Constantine, Alger et Oran », ajoute-t-il. Selon lui, 20% des trains de la banlieue algéroise n'ont pas suivi le mot d'ordre de grève. Idem pour les trains des grandes lignes qui ont circulé à hauteur de 50% à l'Est et 33 % à l'Ouest. Interrogé sur les motifs du refus à la SNTF d'accorder des augmentations salariales, celui-ci a rétorqué que l'entreprise n'est pas, financièrement, en mesure de le faire. « Notre société connaît une situation de déficit. Nous ne pouvons pas nous permettre une augmentation aussi conséquente », indique-t-il, en rappelant que la SNTF a consenti, par le passé, des efforts « importants » en matière salariale en direction des travailleurs du chemin de fer. Entre autres « gestes » brandis comme un trophée de guerre, par l'orateur, l'augmentation des salaires liée au régime indemnitaire depuis mars 2008, la mise en place depuis septembre 2009 d'une grille des salaires et d'une autre nouvelle grille indiciaire avec une majoration de 20% du SNMG, d'ici novembre 2010. Même s'il ne brandit pas clairement la menace de poursuivre en justice les grévistes, M. Dahkli souligne que « la loi nous confère la responsabilité d'appliquer certaines mesures », notamment la ponction sur salaires.