L'appel lancé par les travailleurs du secteur des cheminots a eu un large écho. Aucun train n'a quitté la gare hier. C'est ce que nous avons constaté de visu, mais la DRH de la SNTF parle de 50% de suivi et compte “ester en justice les grévistes et appliquer loi dans toute sa rigueur”. Si jusque-là tous les innombrables mouvements de protestation qui ont marqué le front social ont été parrainés par des formations syndicales, la contestation qui a éclaté du côté des cheminots est à l'initiative des travailleurs loin de toute bataille syndicale. En effet, les travailleurs de la Société nationale des transports ferroviaires ont lancé, dès les premières heures de la matinée, une grève illimitée pour protester contre leur marginalisation des augmentations salariales. Le secteur fait face à moult contraintes depuis des années certes, mais les travailleurs qui s'appuyaient jusque-là sur la fédération nationale des cheminots et ses contacts et négociations avec le syndicat mère et la tutelle, ont perdu tout espoir le jour de leur “fête”. En effet, c'est à l'annonce, le 1er Mai dernier, de la signature de 20 conventions de branches que les cheminots qui n'en faisaient pas partie ont “compris le message des pouvoirs publics”, nous dit un conducteur rencontré à la gare du Caroubier. Une grève et des interrogations Le plus bizarre dans le mouvement de grève des cheminots est que le débrayage, comme nous l'avons constaté de visu au niveau des principales gares de la capitale (El-Harrach, Hussein-Dey, Agha et Place des Martyrs), était suivi aux environs de 11 heures du matin à 100%. Il n'y avait pas la foule quotidienne qui prenait d'assaut ces stations. C'était, en un seul mot, des gares fantômes dont les portails d'habitude grands ouverts étaient fermés et “gardés” par un appariteur qui accueillait les usagers non informés par un sempiternel refrain : “y a pas de train, ils sont en grève.” Cependant, à la grande question de savoir qui a lancé le mouvement de grève, il n'y a pas eu de réponse. Questions : s'agit-il d'une grève sauvage ? Pourquoi et dans quel but ? Qu'est-ce qui pousse ses initiateurs à s'en cacher et de qui ? Les rares travailleurs qui daignent répondre se contentent de nous lancer : “Personne n'est derrière ce mouvement. Ce sont les simples travailleurs qui ont pris l'initiative au vu de l'accumulation des contraintes et la dégradation de leur pouvoir d'achat.” Au niveau de la gare d'El-Harrach, un travailleur avoue : “je suis chef de service, j'ai travaillé cette nuit et je ne suis pas au courant de ce mouvement.” Les agents de sécurité nous renvoie aux autres gares. “Essayer de voir à la gare Agha, ce sera mieux. Sinon avec le syndicat.” Du côté du syndicat du secteur de la SNTF, dont le siège est à quelques encablures de la direction générale, on entend le même discours. “Nous ne pouvons pas appeler à un mouvement de grève alors que nous sommes affiliés à l'UGTA”, justifie M. Bichikhi Djamel, le chargé de communication au niveau de la fédération nationale des cheminots. Et de préciser qu'une telle action est en porte-à-faux avec le pacte social que l'UGTA a signé avec les pouvoirs publics. Il insistera sur le fait que “la grève a été lancée par les travailleurs. C'est leur propre initiative pas la nôtre”. Le chargé de communication du syndicat des cheminots se lancera dans la justification du mouvement en soulignant que “nous avons approché toutes les instances concernées pour défendre les droits des travailleurs, mais nous n'avons rien eu. Nous sommes des laissés-pour-compte”. Selon lui, “les pouvoirs publics nous ont trahis sur le parcours. pour preuve, des entreprises plus déstructurées que la SNTF, à l'exemple de la SNVI, ont pu bénéficier d'augmentations conséquentes, ce qui n'est pas le cas pour nous.” Les menaces de l'administration Contrairement au mode de gestion des grèves auquel les tutelles nous ont habitués, le mouvement lancé par les travailleurs a tout de suite suscité la réaction de la direction générale. Contactée pour d'éventuelles informations sur cette action, nous avons été surpris d'être invités à une conférence de presse de la direction des ressources humaines de la SNTF. Le DRH ne parlera même pas de mouvement de grève. “Nous avons constaté un arrêt de travail au niveau de certains points.” Il enchaînera en précisant que “de toutes les façons c'est un mouvement illégal car il n'a pas respecté les procédures légales.” Le DRH indiquera que la grève, qui a été déclenchée à 5 heures du matin, n'a pas été largement suivie. “Nos statistiques montrent que jusqu'à 13 heures la grève a été suivie à 50% à Alger ; moins de 40% à Oran, 60% à Annaba et 40% à Constantine.” Selon le conférencier, 20% des trains de banlieue ont circulé. Pour ce qui est des trains régionaux (Chlef, Béjaïa et Sétif), 3 sur 4 étaient opérationnels. Selon le DRH,“en dépit de la grève illégale, nous avons fait des efforts pour faire circuler nos trains et ne laisser personne en rade, et ce, grâce à la mobilisation du personnel d'encadrement. D'ailleurs, un service minimum sera assuré pour le transport en banlieue et celui des marchandises stratégiques au cas où la grève persisterait”. Revenant sur le caractère “illégal de la grève”, le conférencier dira que “nous ne sommes pas des hors la loi. Nous sommes en train de recenser les travailleurs qui ont fait grève pour appliquer les dispositions de loi et recourir à la justice”. Pour ce qui est de la revendication des cheminots, il précisera que “des efforts ont été faits par la SNTF en dépit de sa situation financière qui n'est pas très reluisante pour une augmentation de 16% en 2008”.