Il y a comme un cafouillage et une anarchie au niveau des établissements, qui inquiètent les parents. La cloche a sonné avant l'heure. A partir de demain les bancs des lycées seront désertés par leurs occupants. Les cours sont, apparemment, achevés, les dates des examens arrêtées et celles des vacances avancées. Les examens blancs, preuves qui précèdent le baccalauréat, le Brevet d'enseignement moyen (BEM) et les compositions sont programmés à partir du 16 mai, alors que le 25 mai est la date butoir pour le choix des sujets de l'épreuve sanctionnant les 13 ans d'études. Ainsi, les parents d'élèves font face à une situation inédite et les pédagogues avertis se demandent si le ministre de l'Education nationale est au courant de ce cafouillage et de l'anarchie qui règnent au niveau des établissements. « M. Benbouzid avait proposé une année scolaire de 34 semaines, puis en raison d'un événement sportif, il a décidé de revenir sur sa décision et d'opter pour 27 semaines, mais le dernier mot est revenu en fin de compte aux enseignants qui ont décidé de libérer les élèves avant même la date officielle des vacances prévue pour le 4 juillet », a lâché, intrigué, un inspecteur de l'éducation aujourd'hui à la retraite. Si les services du ministère parlent d'une année scolaire ordinaire, les enseignants assidus et certains syndicats du secteur sont catégoriques : l'année scolaire 2009-2010 a été bâclée au sens propre du mot. « Il y a eu des grèves cycliques et le temps perdu n'a pas été convenablement rattrapé. Ceux qui prétendent que les programmes sont à 80% achevés doivent aussi savoir qu'ils sont achevés dans de très mauvaises conditions, car les normes pédagogiques n'ont pas été respectées », a tonné M. Meriane, premier responsable du Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest). Celui-ci ne comprend pas comment un enseignant peut-il consacrer cinq heures de temps à un chapitre nécessitant dix heures. « L'élève peut-il assimiler des cours prodigués en un temps record. Evidemment non ! », s'est exclamé notre interlocuteur, qui estime que le programme initial n'a pas été respecté en raison des grèves et de la mauvaise gestion de l'année scolaire. « Cet état de fait n'incombe nullement aux enseignants ou aux syndicats, mais plutôt aux pouvoirs publics. A travers les grèves, les enseignants ont voulu attirer l'attention du gouvernement sur leur situation des plus précaires, en vain et c'est la directive de Ouyahia qui a envenimé la situation », a soutenu un enseignant, qui écarte toute responsabilité de la corporation dans le marasme qui secoue l'école algérienne. « Les enseignants étaient prêts à enseigner 34 semaines, mais le chamboulement opéré en milieu de l'année a démobilisé tout le monde. Les cours auraient dû s'arrêter comme prévu à la mi-juin si on voulait respecter le contenu de la réforme du système éducatif », a pesté un enseignant. Pour les pédagogues, la situation à laquelle est confrontée en ce moment l'école algérienne est inédite : d'aucuns affirment que les élèves ne partent plus en classe, ils travaillent seuls, en groupe ou alors en suivant des cours de soutien, ce n'est pas normal ! Les enseignants n'ont pas le droit de libérer les élèves pour leur permettre de réviser leurs cours. La préparation des compositions et des examens de fin d'année doit impérativement se faire en étroite collaboration avec les enseignants. « L'enseignant ne peut en aucun cas être remplacé par des cours de soutien et encore moins par des polycopies. » Quand la pédagogie fait défaut à l'école « L'élève doit travailler avec son professeur pour la préparation de son examen. Il est aberrant qu'un enseignant demande aux élèves de ne plus venir aux cours sous prétexte qu'il a un examen à préparer », s'est indigné un pédagogue, qui pense que l'année 2009/2010 est une année bâclée. « On a continué à bâcler les cours même à l'approche des examens, alors que la logique veut que durant cette période, l'enseignant et l'élève doivent s'impliquer davantage », a expliqué un pédagogue, qui incrimine beaucoup plus l'enseignant et plus particulièrement les chefs d'établissement qui fuient leurs responsabilités et la tutelle qui ne joue que via ses inspecteurs son rôle de contrôleur. Bon nombre de pédagogues évoquent sans hésitation une année catastrophique, catastrophique du fait que les élèves sont restés trop longtemps au repos. « Les élèves ont vécu plusieurs semaines de grèves cycliques. pour l'élève qui reste loin de l'école pendant longtemps, c'est difficile pour lui de reprendre le chemin de l'école. La reprise se fait de manière très démobilisée. Ainsi l'élève est perdant dans tous les cas de figure », a pesté un pédagogue. Les observateurs avertis dressent un pronostic très négatif quant aux résultats des épreuves du bac et du BEM. « Si l'on propose des sujets nonobstant de ce qui s'est passé, il y aura un pourcentage de réussite des plus catastrophiques. Maintenant si l'on s'arrange pour proposer des sujets simples et banals, le pourcentage de réussite sera étonnant. Nous aurons ni plus ni moins un pourcentage politique », a fulminé un pédagogue, qui a requis l'anonymat. Notons que l'examen du bac est prévu pour le 6 juin, le BEM pour le 1er juin, alors que l'examen de fin de cycle de l'enseignement primaire (ex-6e) est fixé pour le 27 mai avec une session de rattrapage programmée pour le 24 juin.