C'est la première fois dans ce musée qu'une grande exposition individuelle sera consacrée à un peintre contemporain universel. Le Musée national d'art moderne et contemporain prépare actuellement l'exposition d'une centaine d'œuvres (dessins, peintures à l'huile et sculptures) du défunt peintre Olivier Debré qui aura lieu du 25 mai au 25 juin. Un mois pour découvrir un « ensemble exceptionnel, assure Mohamed Djehiche, directeur du Mama, dont nous devons la disponibilité principalement au Fonds de la galerie Louis Carré et à la famille de l'artiste ». L'esposition couvre une période allant de 1945 à 1999, particulièrement significative puisque son début correspond au moment du passage de l'art moderne à l'art contemporain. Né en 1920, Olivier Debré a grandi dans un milieu pétri d'art et de culture. Auprès de son grand-père, peintre, il découvrit l'impressionniste. Après un séjour en Italie, il entre aux Beaux-Arts de Paris pour y étudier l'architecture. En 1939, la guerre éclate et il part à Londres poursuivre ses études. Là, il abandonne sa première vocation pour aller vers la peinture. Deux hommes ont marqué son éclosion : Le Corbusier, dont il fut l'élève, et surtout Picasso, dont il fut l'ami et qui l'influença beaucoup. Il fréquenta les peintres Serge Poliakoff, Nicolas de Staël et Pierre Soulages avec lesquels il confirma son attrait pour l'abstraction. A ses débuts, Debré s'efforcera d'exprimer l'absurdité du monde en recourant notamment à la couleur noire avant d'opter pour un lyrisme pictural aux couleurs vives, généreuses de matière, et employée à l'état pur en vastes surfaces monochromes. Mais ce changement ne correspond pas à un état d'âme puisque ses premières compositions de 1945 s'avèrent généralement imprégnées de la tragédie de la guerre mondiale. On y perçoit l'influence première de Picasso ainsi que le recours aux idéogrammes chinois. Attiré par New York qui devenait alors la nouvelle capitale de l'art contemporain, il s'y installe. Au contact des maîtres de l'expressionnisme abstrait (Kline, Rothko, Olistki…), il adhère pleinement à leur démarche artistique qui correspondait en partie à son évolution précédente. Il a trouvé sa voie et commence à développer son identité créative que l'on qualifiera d'abstraction fervente ou de paysagisme abstrait. C'est en effet la contemplation des paysages qui fonde son œuvre, une contemplation semblable à celle des grands poètes romantiques, qui ne se traduit pas par un désir de description ou de reproduction mais par l'expression des sentiments et émotions que cette contemplation provoque en soi développant, comme l'affirme Mohamed Djehiche, « une autre idée du sublime ». Son travail remarquable évoluera au fil des ans, mais sans jamais s'écarter de cette ligne globale. Debré, pourtant parfaitement intégré dans le monde des arts, ses œuvres exposées par les grands musées et galeries, achetées, collectionnées et étudiées, ne suivra pas cependant les nouvelles tendances à partir des années 1960. Dédaignant les ruptures, se méfiant sans doute des phénomènes de mode qui commençaient alors à s'imposer, écologiste avant l'heure, il resta ce peintre abstrait du spectacle de la nature, talentueux et exigeant avec lui-même. Soutenue par le ministère de la Culture, l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel et les services culturels de l'ambassade de France, cette exposition est une ouverture originale sur l'art du XXe siècle. Les artistes et le grand public peuvent d'ores et déjà se préparer à recevoir une œuvre magnifique qui retrace une vie mais illustre surtout des moments forts de la naissance de l'art contemporain.