Elles ont joué un rôle primordial durant la Révolution de 1954, puis au fil des années, elles ont été aux côtés des hommes dans toutes les formes de lutte. Aujourd'hui encore, elles sont au premier rang du mouvement populaire pour le départ de système. Un devoir féminin sans contrepartie. Mais elles espèrent par contre ne pas être laissées-pour-compte au lendemain d'un mobilisation commune. Le mouvement populaire est porté depuis le 22 février par des jeunes, mais les femmes n'étaient pas en reste puisqu'elles étaient là, à leurs côtés ; les Louisette Ighilahriz, Djamila Bouhired et autres moudjahidate beaucoup moins connues étaient là à les encourager et à marcher avec eux et surtout pour partager la même revendication : le changement du système. Elles étaient toutes là, à l'instar de la sociologue Fatma Oussedik, la militante des droits des femmes Fadila Boumendjel-Chitour, la juriste Benabbou et des milliers d'autres. Nous gardons tous cette image cette vieille habillée à l'ancienne, avec son hayek algérois qui portait un balai et faisait face à un cordon sécuritaire. Elle parlait aux policiers, leur reprochant d'être postés là et prêts à réprimer leurs frères. Et puis, toutes ces belles femmes, vêtues et maquillées aux couleurs nationales, à braver parfois la peur et les intimidations des services de sécurité. Ces vieilles aussi qui ont l'idée et surtout le «courage de porter des robes kabyles», lorsque dans un discours le chef d'état-major venait d'interdire le port d'autres emblèmes autres que celui des couleurs nationales. «Qu'ils viennent maintenant m'enlever ma robe !», criait une vieille en robe berbère. Elles étaient simplement le symbole d'une mobilisation pacifique et d'une belle révolution. Le 8 mars était le déclic. C'était le troisième vendredi de contestation populaire. Les hommes ? Il faut dire qu'ils étaient moins nombreux. Mais le but est le même : le changement, des libertés et surtout le départ du système. Et depuis, elles ne se disputent plus leur place. Les semaines passent… et la force est unie et unique. On ne leur apprend rien à ces femmes algériennes qui ont combattu depuis toujours aux côtés des hommes. La Révolution de 1954 en est une preuve. La question ne se pose même plus quant à leur rôle, leur courage et leur implication dans toutes les révolutions. Mais on se pose la question de la considération qui leur sera réservée post-révolution. Un débat a été lancé la 5e semaine de la révolution DZ, c'est-à-dire au lendemain de la démission de Bouteflika, premier grand acquis de ce mouvement arraché par une détermination inédite. Le débat portait sur le rôle et la place des femmes dans ce «hirak» ! Le débat était-il utile réellement ? Pas forcément. Des avis divergeaient. Ceux qui défendaient l'idée que ce n'est pas le moment de se lancer dans ce genre de considération, mais surtout de se concentrer sur l'essentiel : restons unis et demandons le changement. Marches C'est un peuple qui se lève, constitué d'hommes et de femmes qui se battent pour la démocratie. Et d'autres y voyaient une opportunité «inratable» pour porter haut et fort des revendications des femmes. Pas de démocratie sans femmes. Mais les défenseurs de la première option avaient comme raison dans la mesure où tout autre slogan perturbera le trajectoire d'une révolution. Surprise : au lendemain de cette conférence, une rude polémique a éclaté. Un Algérien basé un Londres menaçait virulemment toute femme qui oserait sortir «marcher». Une affaire toute de suite maitrisée suite au dépôt de plainte, mais qui justement a permis aux femme de montrer leur détermination, plus forte que jamais, de rester à côté des leurs «frères». Il s'agit d'images réelles. D'ailleurs, de l'avis d'un chercheur en communication qui prépare une thèse de doctorat sur les nouvelles formes de lutte, «les femmes ont raté le rendez-vous du vendredi 8 mars. Très peu de slogans ont porté sur l'important rôle de la femme dans la société algérienne et dans le fondement de l'Etat algérien. Elles ont pris le risque de participer encore à une lutte nationale et de s'y voir exclues par la suite comme cela est souvent le cas». Un avis que Fatma Oussedik, sociologue, professeure et militante féministe, ne contredit pas dans toutes ses analyses : «Les femmes dans ce pays ont participé à la Guerre de Libération contre la France, elles ont toujours été là, actives. Mais leurs revendications ont toujours été ignorées.» Le chercheur en communication tente de diviser le rôle des femmes dans les révolution en deux phases : une phase «idéaliste» et la phase des premières «désillusions». Une première marquée par la surprise crée par cette jeunesse éduquée, connectée, moderne, polyglotte, passionnée, calme, mixte, silmya… On porte attention aux femmes et aux plus âgés. Les marches du mois de mars, celles des vendredis comme celles des étudiants, ont connu une participation très importante des femmes, en particulier dans les grandes villes. «D'abord, les filles sont majoritaires dans les universités algériennes et elles sont entrain de rafler des secteurs entiers en particulier dans les villes. Aussi, cette présence entrait dans le cadre global de la «révolution du sourire», qui est une révolution d'abord contre les clichés». Puis vient la deuxième phase, marqué «par l'entrée en jeu d'un groupe de jeunes femmes qu'on a appelé les ‘féministes'. Manipulée ou pas, cela a créé une cassure dans le mouvement, où les féministes, dans le sens connoté du terme, ont été accusée de vouloir instrumentaliser le hirak pour s'attaquer à certains aspects de l'identité algérienne». Ce qui résume «la dissolution». Mais cet avis n'est pas trop défendu par plusieurs militantes qui insistent sur la «normalité» de quelques actes qui pourraient être isolés. Sinon, les groupes dit «féministes» ou autres ne s'essoufflent pas. Les femmes continuent à participer et à être au centre de cette révolution. Historiquement, elles sont là sans aucune condition. Mais pour la suite, elles «espèrent», étant donné que ça ne sera, en principe pas le même pouvoir ni système, qu'elles auront leurs droits et la considération qu'elle méritent.