Si l'année 2002 a été celle du retour du Liban sur la scène internationale - sommet de la ligue des Etats arabes en mars 2002, sommet de la Francophonie en octobre de la même année - et celle de l'amélioration de sa situation économique, l'année 2005 - Marquée par le retrait des forces syriennes du Liban, suite à l'adoption en 2004 de la motion 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU et l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février dernier - sera, au regard du début de la crise du régime révélée ces derniers jours, celle de la refondation et de la recomposition du paysage politique libanais. Le pays du Cèdre entame, en effet, une phase transitionnelle incontournable et décisive de son histoire. Par ailleurs, la récurrence des attentats à la bombe - celui de samedi dernier et celui d'hier qui a fait deux morts au centre commercial de Jounieh au nord de Beyrouth -, les heurts survenus hier encore à l'université arabe de Beyrouth ayant requis l'intervention de pas moins d'une centaine de membres de l'armée et de la gendarmerie et la fausse alerte à la bombe à l'université de Kaslik (30 km au nord de Beyrouth) sont autant d'ingrédients favorables à la dégradation de la situation sécuritaire. Certains observateurs et analystes appréhendent à juste titre une éventuelle dégradation de la situation sécuritaire, voire le retour de la guerre civile qui n'a pris fin qu'en 1990, faut-il le rappeler. Or cette conjoncture politique pour le moins tendue n'entame en rien l'optimisme de certains politologues, à l'image de Samir Frangié, porte-parole de l'opposition libanaise qui, dans une récente interview accordée au magazine Jeune Afrique (du 20 mars 2005), fustige le régime en place et estime que la nomination de Karamé à la tête du gouvernement n'est autre qu'un aveu d'échec qui en dit long sur la crise et que Bachar Al Assad « n'a pas compris que le monde a changé ». Rendant en filigrane hommage à Rafic Hariri « qui a reconstruit Beyrouth », Frangié n'omet pas de rappeler que les manifestations populaires retransmises sur les chaînes de télévision à travers le monde sont une preuve qu'une société civile est née. Insinuant par là que le métissage entre chrétienté et Islam ne peut plus constituer une entrave à l'édification d'un Liban libre et démocratique. Même le Hezbollah ne représente pas pour lui une réelle menace à la stabilité civile du pays. Frangié pense, en effet, que les élections de mai, qui devront, néanmoins, être précédées par l'adoption d'une nouvelle loi électorale avant la date butoir du 31 du mois prochain, ne seront pas entachées d'irrégularités et qu'elles seront libres. La référence en est l'explosion des formations politiques traditionnelles avec l'apparition de nouvelles figures comme, cite-t-il, Nassib Lahoud, Nayla Moawad, Bahia Hariri et Farid El Khazen, pour ne citer que ces derniers. En attendant, la formation exigée de Omar Karamé, Premier ministre démissionnaire, d'un nouveau gouvernement d'union nationale et le refus de l'opposition d'adhérer à ce projet - l'opposition exige de Karamé un engagement préalable en vue de la concrétisation de trois points : l'ouverture d'une enquête internationale sur l'assassinat de Hariri, la démission des chefs de tous les services de sécurité et de renseignements jugés coupables de négligence et l'organisation d'élections libres - semblent davantage corser ce que les médias appellent la mission impossible de Karamé. Mais le Liban, pays du Moyen-Orient d'une superficie de 10 400 km2, dont la population estimée en 2004 à 3 596 000 habitants, ayant pour langue l'arabe - le français vient en second - ne se résume pas à sa conjoncture politique équivoque et tumultueuse ni à une situation économique chaotique ployant sous une dette vertigineuse. Le Liban ne se résume pas non plus aux extrémismes religieux. Le Liban, c'est avant tout le pays de la production littéraire d'expression arabophone et de la traduction. Anjar, Baalbek, Beiteddine, Beyrouth et Bcharré, Tyr, Byblos, pour ne citer que ces dernières, sont, en outre, les villes touristiques par excellence qui ont survécu à la violence armée et au terrorisme. Mais le Liban ne se résume pas non plus à ces caractéristiques. Le Liban d'aujourd'hui, celui du renouveau, a un visage féminin. Les Libanaises font, en effet, de plus en plus parler d'elles. Du SFL (syndrome de la femme libanaise) qui affecte aujourd'hui les femmes du monde arabe - « penchant maladif » pour la chirurgie esthétique, la mode, ... - au célibat prolongé inhérent à l'autosuffisance financière, les Libanaises tout en obéissant à la mentalité orientale se démarquent par leur sens de l'indépendance.