Le Conseil d'Etat a émis un « avis défavorable » au projet de loi d'interdiction totale de la burqa. Mais le gouvernement est décidé à passer en force. Le gouvernement français va adopter, ce mercredi, un projet de loi d'interdiction générale du voile intégral dans l'espace public, préparé par Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, alors que le Parti socialiste a déposé sa propre proposition de loi préconisant une interdiction sectorielle. Les Sages auraient réitéré les réserves sur une loi d'interdiction totale qu'ils avaient déjà formulées dans un rapport remis le 30 mars au Premier ministre, rapporte Le Figaro dans son édition du 14 mai. Ils estiment qu'« une interdiction absolue et générale du port du voile intégral ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable » et qu'elle serait « exposée à de fortes incertitudes constitutionnelles et conventionnelles ». Le Figaro rappelle que dans son étude remise au gouvernement, il y a un mois, le Conseil d'Etat avait précisé que la « Cour européenne des droits de l'homme a consacré le principe d'autonomie personnelle » selon lequel chacun peut mener sa vie selon ses convictions, y compris en se mettant physiquement ou moralement en danger. Les Sages n'excluent pas, toutefois, des mesures d'interdiction partielle. Leur rapporteur, Olivier Schrameck explique que « la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les exigences propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert, soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches ». Le gouvernement va passer outre l'avis du Conseil d'Etat, considérant que « l'édiction de mesures ponctuelles, se traduisant par des interdictions partielles limitées à certains lieux ou à l'usage de certains services, n'aurait constitué qu'une réponse affaiblie, indirecte et détournée au vrai problème que pose, à notre société, une telle pratique ». Selon l'exposé des motifs du projet de loi gouvernemental, que s'est procuré Le Figaro, le port d'une tenue qui cache tout le visage est « contraire aux exigences fondamentales du vivre ensemble dans la société française et donc à l'ordre public ». En outre, « cette forme de réclusion publique, quand bien même elle serait volontaire ou acceptée, constitue une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ». Le 22 juin 2009 devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, Nicolas Sarkozy avait solennellement déclaré que « la burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République. Ce n'est pas l'idée que la République se fait de la dignité de la femme ». Ce projet de loi devrait être examiné début juillet par les députés et début septembre par les sénateurs. Les députés ont voté à l'unanimité, mardi dernier, la proposition de résolution du groupe UMP condamnant le voile intégral, comme « attentatoire à la dignité » et « contraire aux valeurs de la République ». Il reste que les socialistes ont déposé leur propre proposition de loi qui préconise une interdiction du port du voile intégral limitée à certains lieux publics. « L'interdire sur l'ensemble de l'espace public ne sera pas opérant, risque d'être stigmatisant et surtout d'être totalement inefficace car inappliqué », a déclaré Martine Aubry. Si elle est adoptée, la loi devrait entrer en vigueur six mois après sa promulgation, soit au printemps 2011.