De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Passant outre le double avis consultatif défavorable du Conseil d'Etat qui attirait l'attention sur de «fortes incertitudes constitutionnelles», le gouvernement français a adopté hier le projet de loi «interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public». Est visé le voile intégral, burqa ou niqab.Dès le premier article, il est stipulé que «nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage». Par espace public, il est entendu la voie publique et tous «les lieux ouverts au public ou affectés à un service public». Evidemment, pour bien identifier l'objet du projet de loi, il y a des exceptions qui concernent les motocyclistes (port du casque), les forces de sécurité (pour protéger l'anonymat), des malades et les festifs (carnaval).Dans le domaine des sanctions à la contrevenante à la loi sont prévus une amende de 15 euros et/ou un «stage de citoyenneté». Ce stage a pour objet de rappeler les valeurs républicaines au cours de sessions collectives. Par contre, le texte est d'une tout autre sévérité à l'encontre des maris ou concubins qui obligeraient leurs compagnes «par menaces, violence ou contrainte, abus de pouvoir ou abus d'autorité» à porter le voile intégral. Ce délit, dont la sanction entrera en vigueur dès la promulgation de la loi, certainement en septembre prochain, après son adoption par le Parlement, est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.Les femmes portant le voile intégral bénéficieront d'un délai de grâce de six mois après la promulgation de la loi consacré à un travail de médiation et de pédagogie. «Ce délai sera mis à profit pour poursuivre une démarche de dialogue et de persuasion auprès des femmes portant volontairement le voile intégral», précise le communiqué du Conseil des ministres. Ce délai passé, il y aura un constat d'infraction par les forces de l'ordre transmis au parquet qui proposera à la contrevenante la sanction citée ci-dessus. En cas de refus du contrôle d'identité, les forces de l'ordre peuvent la retenir quatre heures sur place ou dans un local de police. Fait très exceptionnel, le président Sarkozy a immédiatement rendu publique son intervention au Conseil des ministres comme pour rassurer les musulmans de France sur les intentions de la démarche de l'Exécutif. «C'est une décision que l'on ne prend pas à la légère; c'est une décision grave, parce que nul ne doit se sentir ni blessé ni stigmatisé. Je pense en particulier à nos compatriotes musulmans qui ont toute leur place dans la République et qui doivent se sentir respectés : la laïcité, c'est le respect de toutes les croyances, de toutes les religions», a-t-il déclaré. Pour le président français, «le gouvernement emprunte, en conscience, un chemin exigeant, mais un chemin juste». C'est à la conscience des parlementaires et du Conseil constitutionnel qu'il fait appel pour que le projet de loi soit définitivement adopté, comme pour dépolitiser le problème en faisant référence aux «principes fondamentaux de notre République et des droits de l'Homme».Nul doute que le texte définitif du gouvernement suscite de nombreuses réactions dans les milieux politiques et associatifs sur un phénomène ultra-minoritaire, mais avilissant la femme, dans la société française, au moment où celle-ci est confrontée à une grave crise économique.