Le Conseil d'Etat français, la plus haute juridiction administrative française, a émis un avis défavorable à une interdiction globale de la burqa, car cela ne reposerait sur “aucun fondement juridique incontestable”, désavouant ainsi le président Nicolas Sarkozy, qui s'apprête à soumettre à l'Assemblée nationale une proposition de loi en ce sens. Réunis en assemblée générale mercredi dernier en présence du secrétaire général du gouvernement de François Fillon, les membres du Conseil d'Etat français ont émis un “avis défavorable” au projet de loi gouvernemental sur l'interdiction générale du voile intégral, selon le quotidien le Figaro d'hier. Dans leurs conclusions ils ont rappelé qu'“une interdiction absolue et générale du port du voile intégral en tant que telle ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable”. À partir de ce constat, le Conseil d'Etat, dont l'avis n'est que consultatif, ce qui laisse au gouvernement la possibilité de passer outre, estime que la loi que propose le gouvernement français serait donc “exposé à de fortes incertitudes constitutionnelles et conventionnelles”. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le 30 mars dernier, le Conseil d'Etat avait déjà préconisé, dans une étude remise au Premier ministre François Fillon, de limiter l'interdiction du voile intégral aux seuls lieux publics. Ceci étant, le projet de loi devrait être examiné début juillet par les députés français et début septembre par les sénateurs, l'objectif étant de le voir adopté définitivement à l'automne, selon la même source. Quant au projet de loi, dont le Figaro s'est procuré l'exposé des motifs, qui doit être présenté mercredi prochain au Conseil des ministres, souligne que le port du voile intégral est “contraire aux exigences fondamentales du "vivre ensemble" dans la société française et donc à l'ordre public”, ainsi qu'aux “règles essentielles du contrat social républicain”. Il constitue en outre “une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine”. Le texte, qui comprend sept articles, indique que “cette forme de réclusion publique, quand bien même elle serait volontaire ou acceptée, constitue une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine”. Il rappelle également que “nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage”. Le projet de loi prévoit une amende de 150 euros maximum pour les femmes qui porteraient le voile intégral, ainsi qu'un nouveau délit passible d'un an de prison et 15 000 euros d'amende pour la personne qui le leur imposerait. Le gouvernement justifie son choix d'une interdiction totale dans l'exposé des motifs du projet de loi, en affirmant que “l'édiction de mesures ponctuelles se traduisant par des interdictions partielles limitées à certains lieux ou à l'usage de certains services, n'aurait constitué qu'une réponse affaiblie, indirecte et détournée au vrai problème que pose, à notre société, une telle pratique”. L'exposé des motifs ajoute que “ce sont les principes mêmes de notre pacte social qui interdisent que quiconque soit enfermé en lui-même, coupé des autres tout en vivant au milieu d'eux”. Enfin, le gouvernement voit dans le port du voile intégral par les femmes “la revendication ostensible d'un refus de l'égalité entre les hommes et les femmes”, et invoque aussi “le danger pour la sécurité publique” que peut constituer la burqa ou le niqab.