Baisser de rideau sur le Mois du patrimoine 2010. Juste le temps de quelques rituels défraîchis ou commémoration célébrée avec timide conviction, au détour d'une souvenance tendant à raviver un pan de mémoire, créer une jubilation collective évoquant quelque fragrance de nostalgie. Et puis plus rien. Le patrimoine, ce legs commun d'une collectivité, qu'on s'efforce au prix d'efforts à reconquérir pour le transmettre à la postérité, pâtit d'une indolence. Qu'il soit bâti traditionnel ou héritage immatériel dont l'amnios nourrissait les acteurs, le patrimoine peine à être préservé de l'outrage du temps et de la main ingrate de l'homme. S'il demeure facile de convoquer la mémoire, il n'est pas aisé de renouer avec le passé et apprendre à réinventer les réminiscences d'un site qui fourmillait d'art et de lettres, de poésie et de musique, de sagesse et de savoir-faire. Il est devenu difficile aussi de se réconcilier avec son authenticité et conjurer le mauvais sort qui altère les éléments feutrés composant son espace. A dire vrai, les complaintes et supplications sont ressassées à l'envi, l'espace d'un temps. Nous sommes résignés à voir le paraître prendre le pas sur le savoir-être. Comme nous sommes impuissants de voir le savoir-vivre céder le pas à la logique des goinfres de mauvais goût. On fait, on défait avant de refaire. C'est comme dans le Mythe de Sisyphe. Au moment où nos voisins de l'est et de l'ouest font bon usage de leur patrimoine – moins dense que le nôtre –, nous donnons l'impression d'être condamnés à nous escrimer à brasser du vent. Le programme de pilotage fait tant défaut dans l'entreprise de restauration et valorisation des sites historiques et culturels. A l'image de la réhabilitation de la citadelle, cette qalaâ qui fait du surplace depuis plus de deux décades avec, en prime, des travaux viciés et un lanternon de minaret, dont les spécialistes ont quitté le chevet pour on se sait quel motif. Au risque d'égratigner quelques responsables dans le sommet de la pyramide du département du patrimoine national et de la préservation et l'exploitation des biens culturels, qui ont jugé bon de tourner le dos à notre jeu de questions-réponses sur la « maudite » Casbah d'Alger, on n'a pas grand-chose à offrir aux curieux. On fait semblant d'inviter des processions de touristes alléchés davantage par les blogs et photos de la Toile que par la réalité d'un terrain dévitalisé. Triste constat. Ni aire de repos, ni guide, ni maison d'hôtes, ni autres commodités susceptibles de faire imprégner les convives dans le dédale séculaire enfoui dans le site légendaire de Sidi Abderrahmane etthaâlibi. Un patrimoine invité à meubler l'exposition universelle de Shanghai cette année.