Pour les talibans, il est préférable de négocier «avec les envahisseurs américains» et non avec l'Exécutif de Kaboul, une «entité impuissante imposée de l'étranger». La capitale qatarie Doha abrite, depuis dimanche, une rencontre entre les talibans et de hauts responsables afghans. Co-organisée par le Qatar et l'Allemagne, cette rencontre intervient au moment où les Etats-Unis cherchent à se désengager d'Afghanistan, après 18 ans d'intervention militaire. Washington compte trouver un accord politique avec les talibans avant l'élection présidentielle afghane, prévue le 1er septembre, et ouvrir la voie à un retrait des troupes américaines, arrivées fin 2001, comme le souhaite le président américain, Donald Trump. Pour les coorganisateurs qataris, l'objectif des discussions est de tracer «une feuille de route pour l'avenir de l'Afghanistan». Il s'agit de la troisième réunion du genre, après deux rencontres à Moscou en février puis en mai. Les entretiens inter-afghans se déroulent sans la participation directe des Etats-Unis ni la présence officielle de représentants du gouvernement de Kaboul, pourtant reconnu par la communauté internationale. Ces derniers ne sont là qu'«en leur qualité personnelle». Les talibans refusent, en effet, de négocier avec le président afghan, Ashraf Ghani. Tout accord de paix avec les talibans repose sur quatre conditions : un cessez-le-feu permanent, le retrait des forces américaines, l'assurance que l'Afghanistan ne servira pas de sanctuaire à des groupes insurgés et un dialogue inter-afghan. D'autres dossiers, comme le partage du pouvoir avec les talibans, le sort de l'administration Ghani, le rôle des puissances régionales (Pakistan, Iran et Inde) et les droits des femmes, ne sont pas réglés. La rencontre inter-afghane intervient après un dernier round de négociations directes entre Américains et talibans ces derniers jours à Doha. Négociations qui reprendront aujourd'hui. Sur le terrain, les talibans poursuivent leurs opérations. Un attentat-suicide, revendiqué par les talibans, a fait au moins douze morts dimanche dans l'est du pays. De Moscou à Washington En décembre 1979, les troupes soviétiques envahissent l'Afghanistan pour soutenir le gouvernement de Najibullah. Ils quittent le pays en février 1989. En 1992, Najibullah tombe et une guerre entre factions afghanes éclate. Les talibans prennent le pouvoir en 1996. En mai 1997, le Pakistan, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis reconnaissent leur gouvernement. Sanctionné par les Nations unies, ce gouvernement se rapproche d'Al Qaîda et accueille son chef, Oussama Ben Laden. Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, Washington et ses alliés de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) interviennent en Afghanistan, évincent les talibans du pouvoir et y installent Hamid Karzaï. Ce dernier remporte, en octobre 2004, l'élection présidentielle. En septembre 2014, un accord de sécurité est signé à Kaboul par l'ambassadeur des Etats-Unis, James Cunningham, et Hanif Atmar du Conseil afghan à la sécurité nationale. Le président Karzaï refuse de signer l'accord. Ce pacte porte sur la nouvelle mission «Soutien résolu». Il a été convenu que cette mission assure l'entraînement et l'appui des forces afghanes qui combattent les talibans, et remplace les troupes de l'OTAN, à savoir l'International Security Assistance Force (Isaf), qui ont quitté, fin 2014, le pays. Le président afghan, Ashraf Ghani, a annoncé fin novembre la constitution d'une «équipe de négociation» et qu'une «feuille de route pour les négociations de paix» a été établie. Les talibans ont rétorqué vouloir négocier «avec les envahisseurs américains» et non avec l'Exécutif de Kaboul, qualifié d'«entité impuissante imposée de l'étranger». A l'été 2018, Washington et des représentants des talibans engagent discrètement des discussions directes à Doha, où ces derniers disposent d'un bureau politique. En décembre, le président américain annonce son intention de retirer la moitié des 14 000 soldats américains déployés en Afghanistan.