Comme une onde de soie, la musique de Magic Malik Orchestra est passée par le Théâtre régional de Constantine(TRC) où se tient le 8e Dimajazz. Constantine. De notre envoyé spécial Une musique psychologique portée par une flûte traversière presque autonome. Le Franco-Ivoirien Malik Mezzadri, qui a donné son nom au groupe, a la maîtrise de l'instrument. Mieux, il appuie la flûte par sa propre voix comme un support essentiel. Il laisse passer comme une brise matinale, à travers les airs qu'il produit, ses sentiments. Ce qui est déjà impressionnant pour un artiste timide et fort courtois. « J'ai toujours fait de la flûte. Déjà, à l'âge de 5 ans, je jouais de cet instrument. Je suis passé à la flûte traversière. J'ai peut-être des choses intéressantes à transmettre à travers elle. Cela peut être un avantage collatéral le fait qu'il n'y ait pas beaucoup de flûtistes dans la musique jazz. Dans le jazz, ce qui prime c'est l'expression », a-t-il confié après le spectacle. Selon lui, tous les flûtistes font appel à leur voix même dans la musique traditionnelle. « Cela se fait naturellement. Le jazz est aussi une musique orale, centrée sur la prise de parole. L'évolution de cette musique dépend des gens qui prennent la parole. Oui, je fais du jazz dans le sens où je fais de l'improvisation », a-t-il noté. Magic Malik, qui a appris la flûte en Guadeloupe, aime aussi dire qu'il fait de la musique contemporaine. Cela ne le gêne pas qu'on lui dise que sa musique rappelle celle des Andes sud-américaines. « Parfois, je suis en train d'emprunter des émotions ethniques ou des choses comme cela. Intérieurement, je suis très lié à l'Afrique. En fonction des pays où l'on joue, on découvre l'existence de connexions avec les musiques locales. Dans les morceaux qu'on a joués ce soir, il y a des sonorités nord-africaines. Parfois, nous-mêmes découvrons les perspective des musiques qu'on fait », a reconnu Magic Malik. Dans l'expression de ce musicien de 41 ans, il y a de la joie, de la détresse, de l'espoir, de la crainte, de l'ambition… A 13 ans déjà, il savait qu'il allait devenir musicien après avoir appris à jouer du Bach, du Mozart et du Stockhaussen. Trop idéale pour lui, la musique classique ne l'emballait pas beaucoup. Il a, dès le départ, aimé « le discours » du jazz. Il a, pendant dix ans, perfectionné son jeu avec les Human Spirit avant de rejoindre le Groove Gang. Depuis 2000, il joue avec son propre groupe. Il a depuis produit six albums dont Saoule, sorti en 2008. Et il s'apprête à un nouvel opus, Don't feed birds. Magic Malik a même trouvé un code à ses improvisations musicales, parfois opaques : XP. Cela ressemble presque à un modèle mathématique. Mais comme les frontières de la musique sont hors d'atteinte, la création peut prendre le risque de plonger, se rafraîchir et sortir de « l'artistiquement correct » ! Autre ambiance, autre chaleur, autre création. Le Guinéen Ba Cissoko et son boys-band a enflammé la salle du TRC avec des rythmes africains déversés comme une agréable douche après une journée de marche sous le soleil de Conakry. Kimintan Cissoko à la kora, Ibrahima Kouyate à la basse, Mamadou Kouyaté à la guitare, Sekou Kouyate à la kora électrique, et Alhassane Kouyate aux percussions ont arraché les derniers hésitants des « dimajazziens » de leur siège. « On va faire la fête ! », a lancé le maître de cérémonie. Alhassane Kouyate s'amusait comme un fou entre batterie et tambour djembé. Le groupe passait de l'afrobeat au reggae sans perdre une once du rythme. Les sonorités jazzy étaient également présentes. Ba Cissoko fait partie de ces artistes africains qui travaillent à moderniser les traditions mandingues. Cela ne plaît pas aux puristes de tous bords, mais l'artiste n'est-il pas fait pour « casser » les murs de l'interdit ? En 2006, Ba Cissoko n'a pas hésité à faire sortir un album au titre éloquent de Electric Griot Land, pour souligner qu'on n'arrête jamais la marche du monde. Le griot et sa kora d'hier peuvent parfaitement s'adapter à l'électronique et à la technologie de pointe.