Le festival Dimajazz atteint sa vitesse de croisière. Les soirées s'enchaînent, laissant au spectateur du Théâtre Régional de Constantine, même au mélomane le plus assidu l'embarras du choix. Dimanche dernier, l'invitation en valait la peine. A l'affiche deux couleurs en fait, deux musiques ou carrément deux soirées. D'abord Magic Malik Orchestra. Mailk est un musicien dont la carrière est jalonnée de collaborations avec de grands noms de jazz ou de soul tels que Susheela Raman. Très soigneux avec sa flûte, il est aidé par une vraie équipe de pros, un pianiste, un bassiste et un batteur. L'ambiance des Magic Malik est très soft, les rythmes de la batterie et de la basse interviennent subtilement pour accompagner le flûtiste, même si on accélère le rythme de temps à autre. Au milieu, Malik est non seulement adroit lorsqu'il joue de son instrument, mais il chante aussi. D'ailleurs, sa voix «flûtée» a carrément ébahi plus d'un, le son et l'énergie qu'il dégage, sont remarquables. Difficile quand même de situer leur musique, même Malik, qu'on a rencontré après le concert, nous a avoué que le style du groupe est délicat à cerner : «Je ne sais pas. Lorsque on part en tournée, on nous dit souvent que notre musique a des airs latino-américains ou même africains. C'est peut être du moderne et de l'ethnique». Reste ce qui semble impensable pour un musicien de jazz : jouer d'un instrument souvent réservé aux écoliers. Etonnant il est vrai dans ce domaine, Mailk et sa flûte sont une curiosité dans le monde jazz mais sans complexe, Malik assume pleinement ce choix et tant pis pour les puritains : «Je joue de la flûte depuis mon enfance. Il y a un avantage collatéral par rapport à cela, parce que justement il n'y a pas beaucoup de musiciens comme moi dans le jazz». Parlant enfin de l'ambiance du festival Dimajazz, il dira «J'ai des amis qui ont participé au festival et qui m'en ont dit du bien. C'est vraiment une curiosité musicale pour moi. Ici, j'ai remarqué qu'il y a le souci artistique, alors qu'en France par exemple, on s'intéresse souvent à l'affiche». Changement de décor, d'ambiance et même de continent avec Ba Cissoko. C'est l'heure de l'Afrique d'entrer en scène avec ces Guinéens qui ont, non seulement assuré une belle performance, mais ils ont surtout déchaîné la foule. A écouter ces cinq musiciens, on n'a pas peur de dire qu'ils sont vraiment fous ! Le rythme est endiablé, il y a peu de répit et beaucoup de sons entre traditionnels et modernes, de musiques africaines ou cubaines avec une touche très rock'n'roll. En fait, le groupe repose bien évidement sur le leader/chanteur Kimintan Cissoko, mais aussi sur les quatre autres musiciens qui non seulement talonnent le chef, mais arrivent, chacun de son côté, à captiver l'attention par les solos. On pense surtout au guitariste, un pur bluesman même dans le style (très bon soliste) ; au batteur, un farfelu qui maniait aussi d'autres instruments à percussion africaine ; et à Sakou Kouyate qui comme Cissoko joue de l'instrument traditionnel, la Kara. Seulement voilà, sa Kara est un peu particulière car électrique, ce qui pimente encore plus l'ambiance. Ses solos sont fabuleux et très appréciés du public. Au finish, le cortège des instruments de musique inlassablement rythmée, la musique africaine a rendu visite à Dimajazz, et de quelle manière ! A signaler que c'est la deuxième apparition de Ba Cissoko en Algérie qui a déjà joué à Sidi Bel Abbas.