En 21 semaines de mobilisation, le génie populaire ne cesse d'étonner par sa grande capacité à s'adapter à l'évolution de la situation politique et d'y répondre avec des slogans aussi variés que riches de contenus politiques et satiriques. Si depuis le début de cette révolution, des chants reviennent en leitmotiv à chaque fois, comme la chanson de Ouled El Bahdja «Sa3at lefdjer», ou le fameux «Klitou lebled ya esseraqine !» (Vous avez dilapidé le pays bande de voleurs», et l'incontournable slogan «Djaizair horra dimocratia» (Algérie libre et démocratique), ou encore «Djoumhouria machi caserna !» (République et non une caserne), «Dawla madania machi askaria !» (Etat civil et non militaire), d'autres slogans arrivent chaque semaine pour enrichir le discours des manifestants toujours aussi aptes à donner un nouvel élan à leur mouvement de protestation en gardant le cap sur l'essentiel. C'est un véritable discours politique, conçu et revendiqué en feuille de route, qui est décliné en chants et slogans adressés aux dirigeants pour qu'ils comprennent que le vendredi, le peuple dit son mot et sa parole est irréversible. Le génie créateur qui habite ces foules, à chaque fois plus nombreuses, impressionne mais n'étonne pas. Ce 21e vendredi, un nouveau-né est venu enrichir le répertoire revendicatif des marcheurs et a fait le buzz. La foule immense venant de Belouizdad et celle venant de la place des Martyrs se rejoignent à la place de la Grande-Poste. La foule arrivant de Bab El Oued entonne alors ce chant entraînant adressé au chef de l'état-major de l'armée dans lequel il est appelé, «avec son âge avancé», à méditer ce qui est arrivé à Bouteflika. «Kouloulou, l'Algérie kbira jamais tmout, kouloulou wehna zou3ama welli ifout ifout», ce qui veut dire : «Dites-lui, l'Algérie est grande et ne mourra jamais, dites-lui que nous sommes des leaders et ce qui arrivera arrivera.» Ils disent aussi : «Kouloulou 20 sna klitou lebled, kouloulou makache sbitar bnitou ghir lahbess», (Dites-lui en 20 ans vous avez ruiné le pays, vous n'avez construit aucun hôpital, mais vous avez érigé de nombreuses prisons). La foule de Belouizdad adopte vite le slogan des Chnawa et c'est le tout-Alger qui finit par le scander à l'unisson. Chaque vendredi donc et depuis le 22 février, les manifestants adoptent un slogan-vedette, c'est le cas de ce chant entonné hier, ou encore «Echaab yourid el istiqlal», entonné le vendredi 5 juillet. Un nouveau message est venu allonger la longue liste des slogans des manifestants hier. Il s'agit de «Makache bhar makach tahwass, nahou el issaba nkounou labess», ce qui veut dire «Pas de plages pour nous ni de balades, on enlèvera la bande et on ne s'en sentira que mieux». L'autre élément nouveau noté dans la marche de ce vendredi 12 juillet, est une tendance à mieux organiser le mouvement. Des carrés se forment spontanément et suivent les consignes des porteurs de mégaphone. Les carrés avancent à pas synchronisés, s'arrêtent par moment pour mieux garder la cohésion de la foule et repartent en scandant à l'unisson les différents slogans. C'était le cas de la foule qui a pris le départ de la marche à 13h30 de la place du 1er Mai vers la Grande-Poste. Hier, le chef de l'état-major a eu droit à l'essentiel des slogans, lui qui, la veille, avait critiqué la revendication d'«Etat civil et non militaire». Ce dernier est revenu hier comme un leitmotiv avec en prime un «Dawla madania machi boulicia» (Etat civil et non policier), scandé devant le commissariat central. Les vendredis se suivent et se ressemblent dans la détermination des Algériens à faire entendre leur voix et imposer leur voie.