La terre algérienne a tremblé dimanche soir d'un séisme humain de grande envergure, d'une magnitude calculée sur l'échelle de l'équipe nationale de football. La victoire finale des Verts acquise avec panache sur un adversaire de haute valeur a semé une liesse nocturne parmi les jeunes et les moins jeunes, hommes et femmes confondus, dans les rues des grandes villes et des villages reculés comme seuls les grands exploits footballistiques savent engendrer. C'est connu, les Algériens sont passionnés de football et de leur équipe nationale qui devient, pour l'occasion, le creuset inébranlable de l'unité nationale. Face à la disette économique et aux incertitudes du lendemain, ces manifestations de joie improvisées des Algériens d'ici et d'ailleurs ont agi comme une immense décompression populaire. C'est que la surprise a été totale. Une équipe démembrée après la satisfaction d'une participation exceptionnelle à la Coupe du monde 2014 et surtout après des choix stratégiques inopérants et une valse d'entraîneurs inexplicable. En effet, sept entraîneurs se sont succédé depuis 2014 (Halilhodzic, Gourcuff, Nabil Nefghiz, Rajevac, Leekens, Alcaraz et Madjer) avant la nomination de Belmadi en 2018, cumulant échec sur échec après la belle épopée brésilienne en Coupe du monde (huitième de finaliste pour la première fois dans l'histoire du football algérien). Au moment où d'aucuns pensaient que leurs ambassadeurs étaient promis à une courte visite en terre égyptienne (trois petits matchs et puis s'en vont), voilà qu'ils découvrent au fil des étapes une équipe non plus déstructurée, défaitiste, démoralisée, mais un ensemble homogène, fringant, solide, organisé et vigoureux. Des joueurs algériens comme on les aime : volontaires et combatifs, à l'instar du surnom dont on les a affublés : les «guerriers du désert». Cette équipe qu'on disait malade ou au mieux en mutation s'est montrée courageuse et conquérante. L'entraîneur Belmadi a démontré qu'au-delà de la préparation physique pour un tel événement, l'aspect psychologique a une importance quasiment génétique chez les Algériens par lequel ils puisent leur motivation et leur abnégation. Par delà les résultats, les Verts ont forcé l'admiration du peuple en renouant de façon inattendue avec leur allant, leur grande générosité dans l'effort et surtout leur esprit de sacrifice qui détermine les traits caractéristiques des habitants de cet espace depuis la nuit des temps où il fallait faire face avec les armes aux invasions de toutes origines. Ce n'est que du football, diront ceux qui pensent tout bas que notre équipe nationale met momentanément sous l'éteignoir la marche glorieuse du hirak par le truchement d'une récupération à peine déguisée de cet exploit par le pouvoir officiel ou réel. Qu'importe, ce vendredi-ci, nous serons des millions, comme à l'accoutumée, à battre le pavé et emplir l'atmosphère de nos slogans revendicatifs : vive l'Algérie libre et démocratique. Et le soir, nous serons peut-être encore des millions à fêter dans la rue le sacre africain de notre équipe nationale, car celle-ci est aujourd'hui en osmose avec son peuple, attise sa passion, mérite son admiration et revendique son ancrage intime, son appartenance viscérale à tous les Algériens d'ici et d'ailleurs.