En quelques jours, nous nous sommes retrouvés dans un monde transformé, aux horizons redéfinis, aux perspectives nouvelles.» C'est avec cette formule que l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, a commenté les événements qui secouent l'Algérie depuis le 22 février. «L'Algérie d'aujourd'hui n'est pas celle que j'ai connue durant mes années passées ici», a-t-il encore estimé lors d'une allocution prononcée la 14 juillet, date célébrant la Fête nationale de la France. Rappelant le chemin parcouru par la révolution française qui, au terme d'un siècle de soubresauts avant que la France ne trouve son «équilibre politique», M. Driencourt fait un subtil clin d'œil pour saluer l'insurrection citoyenne en cours dans le pays. «L'Algérie est ainsi revenue, en peu de temps, à sa vieille tradition de pays révolutionnaire… On parlait souvent d'Alger comme ‘‘la Mecque des révolutionnaires'' ; on dira peut-être bientôt qu'Alger est ‘‘la Mecque des révolutions'', par l'exemple qu'elle donne à tous ceux qui, voulant transformer les vieux ordres et les systèmes anciens, refusent de payer le prix de la violence», anticipe le haut représentant de la France en Algérie. C'est la première fois qu'un représentant de l'Etat français s'exprime en des termes élogieux sur l'inédit sursaut populaire qui ébranle l'Algérie depuis cinq mois. Le caractère pacifique des mobilisations populaires pour le changement du régime politique force en effet l'admiration partout dans le monde. L'Algérie est regardée autrement. «En cela, elle force le respect des autres nations, elle écrit une nouvelle page de son histoire et de l'histoire du monde sous le regard ébahi et admiratif de la planète», poursuit l'ambassadeur de France à Alger. Fin connaisseur de l'Algérie, Xavier Driencourt cite même le grand écrivain Kateb Yacine pour exprimer son sentiment sur cette nouvelle séquence qui s'ouvre pour l'Algérie. «Lorsque les peuples donnent à leurs destinées un tour volontaire, la route qui s'ouvre est souvent semée d'embûches, et les Français, comme aujourd'hui les Algériens, le savent : pour que ce processus révolutionnaire débute, il faut déjà – comme l'écrivait Kateb Yacine en 1946 – ‘‘laisser les vieilles espérances et forcer la porte du doute''», professe l'ambassadeur. Ayant naturellement à l'esprit le souci des relations entre les deux rives de la Méditerranée, il reste convaincu que «quel que soit l'avenir que les Algériens écriront, une chose restera, c'est la relation entre la France et l'Algérie». «Nous sommes unis dans nos différences, c'est la singularité et la force de nos relations, nous sommes unis indéfectiblement, par nos populations, nos cultures, nos économies, la langue aussi que nous avons en partage», assure-t-il. «Nos rapports sont uniques dans leur genre, inédits de proximité entre deux nations si différentes par leur histoire et leurs références», souligne-t-il encore. Pour lui et au-delà des évolutions des deux côtés de la Méditerranée, il faut «faire fructifier ces liens, qui dessinent l'avenir de nos pays et de notre relation».