Jusqu'au 26 du mois en cours, la cybergalerie Didouche Mourad accueille une collection composée d'une trentaine d'œuvres de l'artiste peintre, Amel Daoudi, qui transporte son public dans son univers chargé parfois de mystère et où la matière parle et s'éveille. Les toiles grand format de la plasticienne, qui est à sa sixième exposition individuelle, sont réalisées quelquefois en acrylique et techniques mixtes, de création purement contemporaine, allant de la palette chatoyante et vive, avec un alliage de lumière et d'ombre aux tons sombres mâtinés de doré, le tout rehaussé d'un glacis à l'huile. Le spectateur s'invite à défiler du regard des compositions non sans décrypter les lignes à géométrie variable. Cependant, le carré et le rond se font complices, racontant par-ci un pan de parcours de vie enfoui dans son for intérieur, laissant jubiler par-là Dame nature avec sa faune et sa flore, ou mettant en avant le jeu de damier qui symbolise, dit-elle, l'énigme de l'homme calculateur et égocentrique. Son esprit semble taraudé par l'aberration et la démesure humaines, laisse-t-elle entendre. Dans sa solitude, Amel Daoudi laisse libre court à son imagination. Elle a pris le pli quelque peu salvateur pour se ressourcer dans son humus, celui que lui procure son univers — atelier de Bellevue — pour réaliser des compositions à partir de matériaux de récupération composites (carton, papier, verre, sable, chute de tissu, etc.) qu'elle couche en saillie sur les supports que sont la toile et le bois. Eprise de nature, l'artiste, autodidacte, qui a commencé il y a une vingtaine d'années à peindre la nature morte avec cette image d'Epinal, quitte cette expression plastique. Elle s'affranchit du geste redondant qu'est la reproduction. « Je m'offre, désormais, un autre exercice pictural en cultivant une tendance écolo, à travers la récupération de produits de rebut, histoire de soulager notre planète Terre qui souffre de tant de rejets », confie-t-elle. Certaines des toiles polychromes sont traversées par ce jeu d'ombre et de lumière, d'autres nous livrent une atmosphère gaie et joyeuse captée au détour d'une rencontre latino-américaine avec un soupçon de musicalité. « Je pars d'une idée, mais, par la suite, c'est la spontanéité qui prend le relais (…). Dans chacun de mes tableaux, un récit se construit pour donner naissance à une vie nouvelle », explique-t-elle. Refusant de greffer des titres à ses œuvres, la plasticienne épouse, à l'image de Kandinsky, ce courant lyrique et romantique de l'abstraction. Autrement dit, cette projection du monde intérieur et de la vision imaginaire que l'artiste vide sur ses subjectiles, comme pour amadouer un tant soit peu l'âpre réalité. Un détour dans cet espace vaut la chandelle pour apprécier la force picturale cachée et tranquille chez Amel.