Le deuxième sommet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), prévu le 7 juin à Barcelone (Espagne), a finalement été reporté à novembre prochain. Une surprise ? Non évidemment. A contrario, c'est sa tenue qui aurait été perçue comme un grand succès diplomatique au regard des germes de pourrissement qui minent cet édifice à sa création déjà. Miguel Angel Moratinos, qui promettait une « grande surprise », en a eu pour son optimisme… Le couple franco-égyptien, parrain de ce bébé en crise de croissance, a prétexté jeudi la volonté de donner la chance à un « progrès » dans les « pourparlers indirects » de paix israélo-palestiniens pour justifier ce report. Est-il en effet raisonnable de croire à une réanimation de l'UPM alors qu'Israël – un vice-président de cette institution – n'a peut-être jamais été aussi agressif envers un autre vice-président, la Palestine ? A quoi servirait-il aux pays arabes de palabrer à Barcelone avec un pays qui continue sa politique de colonisation sauvage en Cisjordanie, qui veut expulser les Palestiniens de leurs terres, qui mène une politique de judaïsation d'Al Qods et, par-dessus tout, au nez et à la barbe de la communauté internationale ? Il n'y a, objectivement, aucune raison qui puisse amener les partenaires arabes de l'UPM à s'asseoir à la même table avec Israël, alors même que celui-ci nargue Paris, Washington et bien sûr l'ONU. Cela quand bien même l'Egypte serait tentée de marchander le rappel des troupes arabes à l'enceinte de l'UPM. Le fait est que les représentants des 43 pays membres ont échoué en avril dernier à Barcelone à adopter une « stratégie pour l'eau en Méditerranée ». Motif ? Israël s'y était opposé obstinément à une quelconque référence aux « territoires palestiniens », alors même que la Palestine est vice-présidente de l'UPM. Ce fut la goutte – d'eau – qui a fait déborder le vase d'un ensemble géopolitique hétéroclite qui n'arrive même pas à s'entendre sur les formules sémantiques et à bien soigner son vocabulaire. Pour le gouvernement espagnol, qui a montré une détermination naïve de tenir malgré tout ce sommet, c'est un retentissant échec diplomatique qui clôt une présidence de l'UE toute aussi décevante. De report, il s'agit plutôt d'une prolongation artificielle de la vie de cette entité manifestement condamnée à rejoindre les sigles creux de l'histoire. L'Union pour la Méditerrané, créée en 2008 à Paris pour servir de béquille diplomatique au président Sarkozy pressé de se donner une aura internationale, n'est plus qu'une coquille vide. Faire asseoir Arabes et Israéliens ensemble et réussir là où les Américains ont échoué, s'est avéré être une prétention que rien ne justifie sinon l'ego de Sarkozy. Le lancement de l'UPM incarne, en effet, ce mode opératoire qui consiste à placer la charrue avant les bœufs. Il était pourtant illusoire de croire que l'on pouvait rendre Israël plus fréquentable chez les Arabes pendant qu'il continue sa politique de terre brûlée en Palestine. Fallait-il attendre deux années pour se rendre compte du caractère tordu de cette construction ? C'est malheureusement la réalité têtue que vient de constater le couple Sarkozy-Moubarak. Les ministres des Affaires étrangères égyptien, français et espagnol, qui vont dîner ensemble demain au Caire, devraient mettre beaucoup d'eau dans leur vin pour espérer remettre à flot une UPM à la dérive.