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M'Hamed Kerrouche. Photographe : « On a donné tous les moyens à des étrangers et on les refuse aux Algériens »
Publié dans El Watan le 28 - 05 - 2010

La côte algérienne comme vous ne l'avez jamais vue : découvrez le littoral sous l'objectif de M'Hamed Kerrouche, qui a passé cinq ans à shooter plages et zones humides.
Comment est née cette idée de faire un livre d'images sur les zones humides en Algérie ?
A l'époque, j'étais photographe de presse et je faisais des reportages pour la revue Tassili. En 2003, on m'a demandé d'aller à El Kala où j'ai découvert les lacs. J'ai décidé alors de revenir sur les lieux pour approfondir mon travail. Et c'est là que j'ai eu l'idée de faire un livre photos sur les zones humides classées Ramsar. Il me fallait faire des recherches sur les périodes de passage des oiseaux migrateurs pour me déplacer. J'ai constaté qu'il n'existait pas d'images sur les zones humides algériennes sur Internet. J'ai contacté des sponsors pour réussir le projet photo.
Au départ, je voulais faire une exposition, pas un ouvrage. Je suis parti dans d'autres régions telles que Annaba, Jijel, Skikda et Béjaïa. Je devenais gourmand au fil des reportages. Il me fallait un planning, préparer des équipes, faire des repères et plusieurs déplacements pour réaliser les reportages. J'ai dû même abandonner mon poste de travail pour me consacrer à ces reportages. C'était un piège, car il fallait engager beaucoup de dépenses. J'étais encouragé par le fait que ce travail n'a jamais été fait par le passé.
Et en cours de route, vous vous êtes intéressé au littoral algérien…
Une précision d'abord : le littoral algérien est de 1622 km et non de 1200 km. Au départ, il s'agissait de deux projets distincts, l'un pour les zones humides, l'autre pour le littoral. Mais, après la réunion en avril dernier du groupe des 5+5 à Oran sur l'environnement, j'ai eu l'accord du ministère de l'Environnement pour un soutien à la publication du livre avec des images sur les zones humides et sur le littoral. Il reste que le littoral, c'est vaste. Il y a des photos à prendre sous l'eau, des images sur les phares, sur les plages, les caps, les îles… On ne connaît pas encore nos îles et la faune et la flore sous-marine.
Cela dit, ce genre de projet nécessite beaucoup de fonds. Pour les photos sous-marines, il est nécessaire d'être accompagné par des plongeurs professionnels équipés, qu'il faut payer. Je ne suis pas une fondation, je ne suis qu'un photographe freelance. C'est un défi pour moi. Montrer les paysages du pays avec un regard algérien. On a pris l'habitude de voir ce que font les autres. Ce travail m'a pris cinq ans. Pour pouvoir prendre des photos aux îles Habibas, j'ai fait quatre déplacements en raison des conditions climatiques qui n'étaient pas favorables. En raison du problème des harraga, chaque bateau qui sortait était contrôlé. Il fallait à chaque fois avoir les autorisations. J'ai dû prendre des risques et j'ai pris le large. J'étais accompagné par des marins-pêcheurs qui connaissent les lieux et qui avaient un permis maritime. La surface des îles Habibas est de 40 hectares. Il faut rester plusieurs jours pour capter des images. Et si la mer est démontée, on ne peut plus retourner au large. C'est un autre risque.
Il vous a fallu donc beaucoup de détermination pour réussir ce projet…
A un certain moment, je me suis découragé. J'ai constaté le peu d'intérêt au niveau des sphères publiques et privées pour ce genre de projets. Certaines entreprises jettent de l'argent pour des opérations folkloriques qui n'apportent rien à la société et se détournent des projets sérieux qui aident à découvrir l'Algérie. J'ai fait des expositions et les gens sont venus me demander si les photos présentées ont été prises en Algérie ! Ce genre de livre peut aider à la promotion touristique. Il peut même être un outil de travail pour les investisseurs.
J'ai un autre projet sur les barrages, dont il existe peu d'images. On dépense des milliards pour leur construction et rien pour les faire connaître. On peut faire des travaux sur les bains ou sur le désert algérien. J'ai fait une proposition pour réaliser un livre sur le littoral algérien. Mais pour faire le montage financier, c'est la croix et la bannière. On a donné parfois tous les moyens, y compris des hélicoptères, à des étrangers, et on les refuse aux photographes algériens. J'ai préparé les textes de ce livre avec le journaliste Aniss Djâad et le spécialiste des zones humides, Amar Boumezbar.
Ce dernier m'a beaucoup encouragé pour continuer mon travail et m'a aidé pour la terminologie et pour la compréhension du mode de vie des oiseaux. J'ai ainsi appris que les flamants roses se sont fixés à Ouargla alors qu'habituellement ils migrent. Les scientifiques n'arrivent pas à expliquer ce phénomène.
Peut-on dire qu'il s'agit d'un livre écologique ?
Malheureusement, les gens ignorent que certaines zones humides sont fragiles et risquent de disparaître d'un moment à l'autre. Des responsables commencent à prendre conscience que ces zones peuvent devenir des destinations touristiques. Il n'y pas que la mer et la montagne. Il y a également les lacs. J'ai constaté l'état déplorable de beaucoup de plages, avec des détritus délaissés par les baigneurs de la saison estivale. Pourtant, il ne coûte rien de mettre une poubelle sur la plage. Cela amènerait les baigneurs à jeter leurs ordures dans un endroit fixe. Les opérations ponctuelles du genre « Eboueurs de la mer » ne servent à rien.


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