La qualité des tenues confectionnées, notamment à Casablanca, est la principale cause du « revirement » des importateurs ayant enregistré de très grosses pertes avec le produit chinois de très mauvaise qualité. Profitant de l'engouement pour les maillots, survêtements, gadgets et autres produits sportifs aux couleurs de l'EN, les contrefacteurs qui inondent le marché national engrangent de substantiels dividendes. D'habitude, les « imitateurs » d'El Eulma confectionnent leur copie en Chine où le faux vole la vedette à l'original. Mais pour des considérations de coût, de délai de livraison, de qualité du produit et surtout pour éviter les « tracasseries » douanières au port, les adeptes de l'informel optent pour le « made in Morocco ». La mission est confiée à un « coursier » devant courir tous les risques. Pour s'approvisionner, le souk dit Zouiya d'une localité située entre la frontière marocaine et la ville de Maghnia, distante de 25 km, est tout indiqué. A Zouiya, les transactions débutent quotidiennement à partir de 4 heures du matin. Tout se vend et s'achète en cet endroit, accueillant chaque jour plus de 2 à 3000 revendeurs venus des quatre coins du pays. A ce sujet, nous apprenons qu'un marchand dépense à chaque voyage entre 500 et 600 000 DA. « Comme les affaires marchent bien en ce moment, on peut effectuer entre 2 et 3 rotations par mois », dira un revendeur de Sétif qui a bien voulu éclairer notre lanterne. « Tous les produits vestimentaires fabriqués au Maroc sous le label de grandes marques mondiales sont disponibles et en grandes quantités aux frontières. La qualité des tenues fabriquées au Maroc, plus précisément à Casablanca, n'ayant en sus rien à envier aux originaux, est la principale cause du ‘‘revirement'' des importateurs ayant enregistré de très grosses pertes avec le produit chinois de très mauvaise qualité. Ceci ne veut nullement dire que cette destination est totalement abandonnée. » Notre interlocuteur précise par ailleurs que « Le rapport qualité/prix est attractif ». Pour l'illustration, un maillot de l'EN portant la griffe « Puma » est échangé à 950 DA. Une filière bien organisée « La taxe du harrag (transporteur de la marchandise du souk jusqu'à Oran) est incluse. Celle-ci est de l'ordre de 70 DA pour un maillot. Un survêtement est taxé entre 150 et 200 DA l'unité. Une chemise revient à 200 DA l'exemplaire, tout comme le pantalon. Le passage d'un tee-shirt est fixé à 100 DA. Comme vous le constatez, tous les produits sont taxés selon un barème respecté par tous les intervenants. » La filière est bien organisée. Sans la recommandation d'un tuteur agréé d'une certaine façon par les revendeurs d'une région qui ne vit que de contrebande, il est impossible pour le premier venu de s'introduire dans un tel espace protégé, explique encore notre revendeur. Mais comment se fait l'acheminement de la marchandise ? « Une fois l'achat réalisé, celle-ci sera confiée aux bons soins d'un harrag, un spécialiste en la matière. Connaissant les horaires, les mouvements, les positionnements des différents services de sécurité omniprésents dans la région, et n'agissant jamais seul, cet enfant de la région étudie bien son parcours. Même si la mission devient de plus en plus difficile, il existe toujours des voies de passage, surtout la nuit. Et s'il est démasqué, le harrag ne vend jamais la mèche, la loi du clan oblige. Comme il est orienté et appuyé par des guetteurs et éclaireurs bien outillés en matériel de communication, portable s'entend, ce dernier est rarement pris au piège ». C'est, nous dit-on, une fois tous les obstacles et barrages franchis avec succès ou avec le versement d'une « dîme », que la marchandise sera payée. « Sa réception se fait généralement dans un endroit sécurisé », rétorque le vendeur qui n'a pas voulu donner des précisions concernant « l'endroit sécurisé ». Selon Amar, un autre spécialiste du souk précité, l'activité nourrit bien son homme. « En faisant nos comptes, on gagne bien notre vie. Pour un seul article (tenues de sport), je gagne par voyage entre 70 et 80 000 DA nets de tout impôt. » Des factures de complaisance « Bien sûr, si le gain est important, les risques le sont aussi. En plus de la saisie de la marchandise, nous ne sommes jamais à l'abri d'un braqueur ou d'une bande de voleurs écumant les sinueux chemins que nous empruntons généralement pour éviter les barrages des forces de sécurité. Pour acheminer le produit d'Oran à Sétif, nous devons voyager de nuit, en empruntant des voies secondaires ou confier le tout à un transporteur devant bien dissimuler ces produits, le plus souvent accompagnés de factures de complaisance ». Celles-ci éveillent parfois les soupçons des barrages des douanes qui procèdent à la saisie. Comme la solidarité n'est pas un vain mot au sein d'une filière, ces commerçants arrivent toujours à surmonter les pertes récupérées au bout d'un ou deux voyages. Il faut aussi savoir qu'il est quasi-impossible de mettre un terme à ces transactions, impliquant depuis des décennies des centaines de familles de la bande frontalière, n'étant pas disposées à lâcher prise, d'autant plus que ce commerce est une affaire de gros intérêts financiers. Il faut savoir, nous apprend-il, qu'en dépit de la fermeture des frontières terrestres, la région est inondée par des tonnes de produits marocains. Pratiqué à grande échelle, ce trafic fait l'affaire des autorités marocaines qui ferment l'œil. Le lobby juif détenant une partie de la confection à Casa, l'une des plus importantes placettes de la contrefaçon au monde, en est l'instigateur et le moteur. Fabriqué avec un tissu de qualité, le produit marocain, selon Amar, ne diffère pas de l'original.